«L’homme éléphant» – Cas d’espèce

Dans cette traduction et mise en scène de Jean Leclerc, le jeu des comédiens est somme toute empesé.
Photo: Jean-François Hamelin Dans cette traduction et mise en scène de Jean Leclerc, le jeu des comédiens est somme toute empesé.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pièce de l’Étasunien Bernard Pomerance, créée en 1977, n’est pas celle qui a inspiré le film réalisé par David Lynch en 1980. Ce que les deux oeuvres ont en commun, bien entendu, c’est le terrible destin de Joseph Merrick, un homme que de graves difformités corporelles rendirent célèbre dans l’Angleterre victorienne. Mort en 1890, à 27 ans, celui qu’on appelait l’homme éléphant a continué depuis de susciter la fascination.

Traduire et diriger L’homme éléphant permet à Jean Leclerc de prolonger ses réflexions sur la monstruosité. Après Frankenstein, une coproduction du Trident et du Théâtre Denise-Pelletier en 2013, le metteur en scène retrouve ici des dichotomies a priori fertiles : beauté/laideur, créature/créateur, humanité/animalité, maître/élève…

De Ross, le forain qui le donne en spectacle, à Treves, le médecin qui en fait un gentleman, en passant par Mme Kendal, la comédienne qui se laisse séduire, c’est toute une galerie de personnages qui virevoltent autour de l’homme éléphant, comme des papillons attirés par une lumière vive, des hommes et des femmes qui se reconnaissent en lui, se contemplent comme dans un miroir qui les montrerait sous leur meilleur jour.

Un rendu inégal

 

Étrangement, le texte se contente d’exposer cette relation paradoxale sans la développer, sans en explorer les tenants et les aboutissants, sans en investir les nombreuses ramifications. Si bien qu’on se demande ce qui a pu, au-delà du défi d’acteur, motiver la programmation de l’oeuvre. Dans le rôle principal, incarné sans maquillage ni prothèses, comme l’a toujours souhaité l’auteur, Benoît McGinnis est convaincant, habile à suggérer les déformations corporelles, mais inapte à susciter l’empathie. À vrai dire, la pièce est si inconsistante, la mise en scène si conventionnelle et le jeu des comédiens si empesé que des interprètes aussi doués que David Boutin et Sylvie Drapeau ne suffisent pas à nous éviter l’ennui.

Sauf erreur, il y a 37 ans que ce texte, dont l’auteur est décédé en août dernier, n’avait pas été monté au Québec. Cela se passait au TNM, sous la houlette de Guillermo de Andréa. Est-ce que le succès de la production donnée en 2014 sur Broadway, puis en 2015 à Londres, avec Bradley Cooper dans le rôle-titre, explique que la pièce soit aujourd’hui à l’affiche du Rideau vert ? Chose certaine, le spectacle en question semble avoir inspiré Jean Leclerc au plus haut point. On se contentera de dire que les deux réalisations, en ce qui concerne la scénographie et les costumes, présentent des similitudes extrêmement troublantes.

L’homme éléphant

Texte : Bernard Pomerance. Traduction et mise en scène : Jean Leclerc. Au Théâtre du Rideau vert jusqu’au 3 mars.

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