«Foirée montréalaise» – Montréal-Nord, un conte à la fois

Après l’arrondissement de Saint-Laurent, puis celui du Sud-Ouest, c’est à celui de Montréal-Nord que la Foirée montréalaise du Théâtre Urbi et Orbi rend hommage cette année à La Licorne. Continuant de faire entendre les 1001 voix de la métropole, la nouvelle formule s’y prend de manière nettement moins glauque que les fameux Contes urbains auxquels elle succède. Plus sensible, moins scabreuse, mais surtout plus spontanée, la soirée animée par Pascal Contamine fait la part belle au chant et à la musique.
Les huit conteurs réunis par le metteur en scène Martin Desgagné ont tous un rapport significatif à Montréal-Nord. Certains sont nés et ont grandi dans le quartier, d’autres avaient l’habitude d’y rendre visite à un être cher, d’autres encore y habitent depuis peu. Accompagné par Claude Fradette et Robin Boulianne, chacun est là pour raconter son histoire, livrer son expérience, donner sa version des lieux et des faits, offrir une anecdote cocasse, un souvenir émouvant, une fable d’amour ou de deuil. Entre les reels, les gigues et les gospels, il est question de solitude et de pauvreté, de racisme et de préjugés, mais aussi de famille, de filiation, de métissage et de solidarité.
D’origine polonaise, Martine Francke évoque son enfance et son adolescence, le quartier des fleurs et les sympathiques visiteurs du dépanneur de ses parents. Musulman, Ahmad Hamdan raconte son premier Noël, en 2006, l’occasion de quelques chocs culturels, mais aussi de prendre conscience de sa richesse identitaire. Michael Richard nous présente Raoul, son attachant grand-père, véritable gastronome, et Pompon, son adorable chien. Audrée Southière nous parle de son emploi d’étudiante dans l’entrepôt de Publi-Sac, puis du concept désuet de frontières, et finalement du jour où elle a repoussé les limites de ses parents en leur présentant son nouvel amoureux, le beau Marc-Aurèle. Quant au désopilant Richardson Zéphir, il est malheureusement sous-utilisé et, il faut le dire, desservi par le texte inconsistant de Yannick Marcoux.
Le noyau dur de ce cabaret, le numéro qui réussit à faire rire, à choquer et à émouvoir, c’est dans nul doute celui défendu par Émilie Gilbert et Philippe Racine, un tandem irrésistible. Cinglant, irrévérencieux, cruel, mais surtout admirablement authentique, réunissant tous les sujets de la soirée dans une seule et unique histoire d’amour entre une fille de Laval et un gars de Montréal-Nord, le texte de Justin Laramée, Montréal-Noir, vise terriblement juste. Après nous avoir confrontés au pire de nous-mêmes, l’auteur nous donne toutes les raisons d’espérer le meilleur.
Quant à Ines Talbi, n’y allons pas par quatre chemins : elle vaut à elle seule le détour par La Licorne ces jours-ci. En plus d’être dotée d’un charisme peu commun, l’auteure-compositrice-interprète possède une voix aussi puissante que sublime. Lorsque vient l’heure de traduire l’engouement qu’elle ressentit adolescente pour ce jeune homme croisé dans l’autobus 69, elle entonne Lover Boy, un chant d’amour qui nous va droit au coeur.