«Les secrets de la Petite Italie» – Dévoilement total

Depuis Mambo Italiano, Steve Galluccio traque le déni et les faux-semblants dans un petit monde italo-montréalais qui s’adapte difficilement à l’évolution des moeurs sociales. Le dramaturge québécois dévoile, avec un regard parodique, les tabous qui pèsent lourdement sur un microcosme familial très attaché aux traditions. Et quoi de plus déroutant aujourd’hui que l’identité transgenre, cette nouvelle limite de l’intolérance sexuelle ?
Dans sa nouvelle pièce en un acte, qui se déploie en temps réel, l’auteur de Chroniques de Saint-Léonard dépeint une famiglia — dans un sens élargi — en émoi. La brusque disparition de sa femme inquiète Tony (solide Roger La Rue) et ses proches, et fait remonter à la surface les conflits familiaux. Les secrets de la Petite Italie brosse dans cette première partie un portrait caricatural qu’on ne peut accuser de subtilité, mais d’une verve généralement efficace, avec un sens du détail culturel. La truculente Danièle Lorain, notamment, s’amuse ferme — seule à adopter un faux accent italo-joual au sein de cette distribution très majoritairement « de souche ».
On semble un peu changer de pièce avec l’arrivée inopinée d’Ivana. Le retour de cette élégante femme transgenre, le fils renié à 16 ans et dont il est depuis même interdit de parler dans le clan, transforme la commedia familiale en règlements de comptes. Et semble apporter une dose de réel dans un monde artificiel. Détenant enfin le contrôle, elle va en profiter, et révéler son propre parcours, déchirant. François-Xavier Dufour impose ici une composition au charisme flamboyant. Avec un jeu en équilibre entre le charme féminin et la causticité, exposant la fêlure d’un être rejeté par les siens, le comédien s’en tire avec les honneurs.
Mais le drame puissant d’Ivana, son désir d’acceptation, paraît un peu noyé dans un déballage tous azimuts. Ce beau personnage devient un révélateur pour dénoncer les failles du clan, pour ouvrir la boîte de Pandore. Et Dieu sait qu’elle est bien garnie en secrets, pas très étonnants, chez toutes les générations : infidélité, mariage de raison, toxicomanie, liens mafieux…
On nage alors surtout dans un drame où tout est dit, et même assez appuyé. Et ce n’est pas sans lourdeur, parfois, dans le spectacle dirigé par Monique Duceppe. Comme dans cette révélation finale du grand-père (Michel Dumont) traumatisé par son expérience durant la Deuxième Guerre mondiale. Une scène qui devrait toucher, mais où une petite musique sentimentale vient surligner l’émotion.
Et on se dit finalement que, pour une oeuvre exposant le prix du conformisme et du conservatisme social, Les secrets de la Petite Italie est une pièce à la forme décidément bien conventionnelle.