Ensemble, c’est tout

Le directeur artistique et général Denis Bernard (en arrière-plan) en compagnie des comédiens Micheline Bernard, Alice Moreault, Marc Beaupré et Maxime Denommée
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le directeur artistique et général Denis Bernard (en arrière-plan) en compagnie des comédiens Micheline Bernard, Alice Moreault, Marc Beaupré et Maxime Denommée

Pour Denis Bernard, La Licorne est devenue une véritable place publique, où cohabitent artistes et spectateurs. Car si la représentation est sacrée, un théâtre n’est surtout pas une église, affirme avec force le directeur. « Le théâtre appartient aux citoyens, pas aux gens qui le dirigent ni à une élite. » Plus que jamais, celui qui annonçait mardi sa neuvième programmation à titre de directeur artistique prône une vision citoyenne de cet art. Soit un théâtre « engagé, rassembleur, issu d’une volonté humaniste d’avancer ensemble », et non pas répondant à un dogme politique particulier. « Je me rends compte que je tourne toujours autour du même message : l’être-ensemble, le devenir-ensemble. »

L’« effervescence assez incroyable » que vit l’institution de l’avenue Papineau (« des années folles qui ont été extrêmement exigeantes pour notre petite équipe et les petits moyens dont on dispose », précise Bernard) passe par une occupation grandissante de tout l’espace. Y compris des représentations dans la salle de répétitions, où se poursuivront Les 5 à 7 de La Licorne offerts par la compagnie LAB87. La formule a suscité un « engouement fantastique » l’année dernière. « Beaucoup de gens qui d’habitude ne fréquentent pas le théâtre sont venus voir. Et ils reviennent. »

Cette mise en valeur du lieu est depuis le début l’une des priorités du directeur, qui a piloté la rénovation de La Licorne. « La vitalité d’un théâtre se manifeste aussi physiquement, par la circulation à l’intérieur de ses murs. »

En résidence

 

La Licorne présente cette année une majorité de créations québécoises, dont plusieurs signées par des dramaturges avec lesquels le théâtre poursuit une collaboration. « Diriger un théâtre, pour moi, c’est [bâtir] une programmation autour d’un mandat, bien sûr, mais c’est surtout énormément de dialogues avec des créateurs », explique Denis Bernard, qui montera lui-même Os, la montagne blanche de Steve Gagnon. « On a un peu un devoir de continuité. »

Celle-ci se vérifie dans les nouvelles créations de la compagnie maison (La Manufacture reprend aussi deux populaires productions du répertoire britannique qui lui est cher, Des arbres et Des promesses, des promesses) : Psychédélique Marilou de Pierre-Michel Tremblay, qui ouvre la saison de façon « pétillante », et La meute, texte qui a saisi le directeur artistique. Catherine-Anne Toupin a écrit sa seconde pièce durant son séjour au Royaume-Uni, où la traduction de sa première, À présent, a connu un « succès retentissant ». En gros, ce thriller« pose une question terrible : est-ce qu’on peut répondre à la violence par la violence ? »

Le bassin d’auteurs en résidence, désormais au nombre de huit, n’est pas étranger à cette augmentation des textes d’ici à La Licorne. Invité à rejoindre ce groupe parce que « sa façon d’approcher une oeuvre convient parfaitement au mandat » du théâtre, Simon Boudreault en livre l’un des fruits en 2018. Dans sa comédie Comment je suis devenu musulman, l’auteur d’As is a un peu « vampirisé » sa propre vie, en partant de sa situation personnelle : celle d’un athée en couple avec une femme non pratiquante mais issue d’une famille marocaine musulmane. Entre une naissance et une mort annoncées, le récit entraîne un questionnement sur l’engagement, la religion. Et cette interrogation majeure en face de la finitude : « À qui on croit ? Est-ce qu’on croit à quelque chose ? »

Femmes d’aujourd’hui

Grâce à la résidence, La Licorne renouera aussi avec l’écriture « absolument brillante » de Catherine Léger (Baby-sitter). Avec Filles en liberté, « elle continue de confronter le féminisme aux valeurs d’aujourd’hui. En le défendant, en le brandissant haut et fort, mais aussi en le critiquant très fortement. »

De l’Anglaise Caryl Churchill (Amour et information, produit par La Banquette arrière) à la jeune lauréate du prix Gratien-Gélinas 2015 (Marianne Dansereau, avec Hamster), la saison paraît riche en voix et en protagonistes féminines. S’il n’en fait pas son premier critère de sélection, Denis Bernard se réjouit néanmoins. Et il attire l’attention sur Chaloupe, un premier monologue de l’actrice Sylvianne Rivest-Beauséjour. « C’est un discours comme je n’en ai jamais lu, sur une sexualité assumée, fulgurante. Un texte sulfureux dans le sens noble. Et, à mon avis, un grand texte. »

C’est ce qui distingue La Licorne, croit son directeur : des sujets forts, des auteurs qui n’ont pas peur d’aller loin. « On [présente] des oeuvres grand public, mais qui provoquent jusqu’à un certain point, qui bousculent et vont le plus possible au fond des choses. »


Quelques pièces choisies

Psychédélique Marilou Une comédie « satirique » comme Pierre-Michel Tremblay en a le secret, qui observe le chemin parcouru depuis l’époque de Timothy Leary.

La meute Une oeuvre mystérieuse évoquant « un peu l’univers d’Harold Pinter », dirigée par Marc Beaupré. Réservée aux spectateurs de 16 ans et plus !

Comment je suis devenu musulman Une comédie dramatique sur le mariage des cultures, où Simon Boudreault mêle réalité et fiction, jouée par une distribution diverse.

Filles en liberté Une production du Théâtre PàP, où Patrice Dubois porte sur scène la plume irrévérencieuse de Catherine Léger.


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