L’ouverture du Théâtre d’Aujourd’hui

Sylvain Bélanger (à droite) était accompagné lundi de comédiens et de comédiennes qui fouleront les planches du Théâtre d’Aujourd’hui lors de la prochaine saison.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Sylvain Bélanger (à droite) était accompagné lundi de comédiens et de comédiennes qui fouleront les planches du Théâtre d’Aujourd’hui lors de la prochaine saison.

Empathie, ouverture, dialogue. À défaut de voir les gouvernements prôner concrètement ces valeurs, les gens peuvent se tourner vers le théâtre pour trouver de telles sources d’humanisme. C’est ce que croit Sylvain Bélanger, le directeur artistique du Théâtre d’Aujourd’hui. La 49e saison de l’institution, et la 5e de sa main, dévoilée lundi, ne sera pas en reste sur ces thèmes, notamment avec le retour sur la scène de la rue Saint-Denis de Bashir Lazhar, cet homme qui s’improvise professeur pour trouver une place dans sa terre d’accueil.

« En Occident, le focus de nos dirigeants devrait se faire sur l’accueil, sur la paix sociale, dit-il, déçu par le discours victorieux d’Emmanuel Macron, le nouveau président de la France. Il a parlé de protéger les frontières, de sécurité, plutôt que d’empathie, d’ouverture, de dialogue. Le théâtre est bien placé pour le faire. »

Sylvain Bélanger craint que le Québec tombe dans le repli identitaire. Il ne croit pas que la création puisse tout parer, mais la programmation qu’il a concoctée lui semble offrir une voie de sortie. Il y a lueur d’espoir dans le combat de Bashir Lazhar. Dans celui de Gabriel Dumont, le chef métis et proche de Louis Riel au coeur du spectacle collectif et à grand déploiement Wild West Show de Gabriel Dumont. Ou de Thomas Harding, le cheminot mêlé au déraillement du train de Lac-Mégantic à la source de la pièce Les Harding, deuxième création d’Alexia Bürger. Ou d’une victime d’agression, portée par le texte de Rachel Graton, La nuit du 4 au 5.

« Je revendique le besoin de créer de nouveaux héros. Qu’ils soient aventuriers ou dissidents […]. Ils et elles sont debout. La fierté est au coeur de cette saison, vous verrez », écrit le directeur artistique dans son « éditorial ».

Des migrants et…

La grande scène pour Bashir : la pièce phare d’Evelyne de la Chenelière, créée il y a dix ans dans l’espace Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui et popularisée au cinéma par Philippe Falardeau (Monsieur Lazhar), rebondira dans la salle principale, en ouverture de la saison 2017-2018. Avec un autre comédien, le rappeur québécois Rabah Aït Ouyahia, et dans une nouvelle mise en scène, de Sylvain Bélanger lui-même.

« Bashir Lazhar est devenue une pièce de répertoire, entrée dans l’inconscient collectif. On peut se permettre [d’aller] dans la grande salle, de mettre un Arabe sur la scène et se dire collectivement où l’on se situe vis-à-vis de cet accueil, commente le directeur Bélanger. J’ai l’impression que Bashir a des attentes envers le Québec. »

Sa version de Bashir Lazhar sera portée d’un regard neuf, le sien, qui n’a pas vu celle mise en scène par Daniel Brière et incarnée par feu Denis Gravereaux. Le film de Falardeau l’a ému, certes, mais il a voulu retourner « aux sources » un texte dur, avec un personnage qui se heurte aux mêmes murs que ceux qui se dressent devant les migrants en 2017. « Je mets davantage les projecteurs sur le public que sur le petit personnage », explique celui qui a choisi un acteur qui n’a jamais fait de théâtre et qui a l’air « d’arriver d’une banlieue parisienne », par écho au propos de la pièce.

… des femmes

Son engagement pour défendre ceux qui se mettent debout, Sylvain Bélanger l’applique aussi dans la féminisation du théâtre. La prochaine saison, qui sera très majoritairement portée par des auteures québécoises, n’est pas une réponse à la sortie publique en début d’année de 150 femmes de théâtre réclamant davantage de place.

Bélanger assure travailler « sur le terrain » depuis deux ans. Dans la salle principale, trois des cinq pièces traduiront des voix féminines et, dans la salle Jean-Claude-Germain, ce seront quatre des cinq spectacles.

« Quand je suis arrivé au Théâtre d’Aujourd’hui, j’ai été étonné du faible pourcentage de projets que je recevais des femmes. L’équité, c’est de représenter ce pourcentage ? J’ai répondu non et j’ai fait du travail de terrain. Les deux prochaines saisons lancent le message fort qu’il faut programmer des textes féminins », affirme-t-il.

Des rendez-vous

Wild West Show de Gabriel Dumont : texte quadrilingue par dix auteurs, dont Jean-Marc Dalpé, pour raconter la lutte des Métis. Mani Soleymanlou signe une mise en scène digne des spectacles de Buffalo Bill.

Nyotaimori : pièce de Sarah Berthiaume, qui évoque par son titre la pratique de manger des sushis sur une femme nue, met en scène une travailleuse autonome, en quête de liberté absolue. Avec Christine Beaulieu.

Jean dit : création d’Olivier Choinière, avec 20 interprètes et musiciens, inspirée par les gens qui prennent le pouvoir en prétendant dire la vérité. « Il y a du Trump, là-dedans », suppose Sylvain Bélanger, qui avance que des moments de death metal « créeront des électrochocs ».


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