«Jamais lu» – Être touriste dans sa propre ville

Le photographe Kevin Calixte, natif de Montréal d’origine haïtienne, le metteur en scène Martin Faucher et l’auteur-compositeur-interprète Thomas Hellman, Montréalais né d’un père américain et d’une mère du sud de la France
Photo: Pedro Ruiz Le devoir Le photographe Kevin Calixte, natif de Montréal d’origine haïtienne, le metteur en scène Martin Faucher et l’auteur-compositeur-interprète Thomas Hellman, Montréalais né d’un père américain et d’une mère du sud de la France

Présenté en ouverture du 10e Festival du Jamais Lu, l’événement théâtral Jusqu’où te mènera ta langue ? a vécu plus longtemps que prévu. À travers lui, son concepteur et metteur en scène Martin Faucher a été amené à suivre de près l’actualité québécoise et à découvrir des coins de Montréal qu’il ne connaissait pas. L’idée lui est alors venue de créer un spectacle sur la notion d’être touriste dans sa propre ville.

Avec la complicité de Marcelle Dubois, directrice artistique du Festival du Jamais Lu, qui souhaitait un volet exposition photo, le directeur artistique du FTA a donc mis sur pied Jusqu’où te mènera Montréal ? : « L’occasion du 375e anniversaire de Montréal aidant, je voulais inscrire le festival dans l’identité montréalaise, dans la trame montréalaise », explique Martin Faucher. Ça a été cruel de s’en tenir à sept quartiers. Ce qui était important, c’était d’avoir une diversité d’auteurs. Je voulais absolument qu’on touche à l’écriture anglophone, d’avoir quelqu’un des Premières Nations. C’est un projet qui m’a placé et me place encore dans une position de découvreur. »

Redécouvrir sa ville

 

Au cours du 16e Festival du Jamais Lu, sept auteurs et trois photographes, regroupés en binômes par Marcelle Dubois, livreront leurs impressions sous la forme d’un Carnet touristique, conçu d’après un questionnaire tiré d’un pastiche de guide touristique de Martin Faucher. Parmi les tandems, l’auteur-compositeur-interprète Thomas Hellman, Montréalais né d’un père américain et d’une mère du sud de la France, et le photographe Kevin Calixte, natif de Montréal d’origine haïtienne, ont eu pour mission d’explorer le quartier Villeray.

« On dirait que c’est plus facile d’être émerveillé et de parler d’une ville qu’on visite parce qu’il y a un détachement. Là, j’avais une proximité parce que c’est ma ville. Quand on vit dans une ville, la géographie est liée aux expériences de notre vie ; on est à la fois dans une ville et dans le temps. C’est très difficile d’avoir un détachement. Villeray n’est pas mon quartier, mais sa dynamique ressemble beaucoup à celle des quartiers où j’ai vécu, le Mile-End et le Plateau, où l’on parle de gentrification, qui incarne un certain idéal de la vie montréalaise. L’expérience m’a forcé à réapprendre à regarder ma ville », confie Thomas Hellman.

Des images et des mots

 

Né dans le quartier Saint-Michel, Kevin Calixte habite maintenant Villeray : « Quand on m’a assigné ce quartier, je me suis dit “Ah non ! Pas encore Villeray ! Qu’est-ce que je vais apprendre ?”. On a beau dire que Montréal, c’est très jovial, au fond, c’est individualiste. Connaît-on vraiment son voisin ? Prend-on vraiment le temps de s’arrêter pour discuter avec les citoyens ? Non ! À travers ma vision photographique, j’ai voulu redécouvrir ce quartier-là, ses commerçants, ses habitants pour voir si je pouvais en être encore émerveillé, sortir de ma zone de confort, du même pâté de maisons. »

En compagnie de l’auteure et traductrice anglophone Alexis Diamond, Kevin Calixte est également parti à la conquête d’un quartier qui lui était encore inconnu, Hochelaga-Maisonneuve : « J’espère que j’ai réussi à rendre compte de la dynamique de ce quartier, qui est complètement différent de Villeray. Je voulais à la fois en parler avec respect, tout en étant réaliste, authentique. Ce qui m’a frappé dans Hochelaga, ce sont les contrastes et les similarités. Je sentais que j’avais un devoir de représenter ces quartiers ; ce n’est pas que mon projet, mais aussi celui des résidants. »

Pour sa part, le photographe Jérémie Battaglia a accompagné Sébastien David dans Saint-Michel, Marie-Louise Bibish Mumbu dans Westmount et Anne-Marie Guilmaine dans Beaconsfield. Quant à la photographe Léa Castonguay, elle a parcouru les rues du Vieux-Montréal avec Melissa Mollen Dupuis (issue des Premières Nations, celle-ci livrera un nouvel éclairage sur le 375e anniversaire de Montréal), et celles de Parc-Extension avec Pierre Lefebvre.

Voix et visions rassemblées

 

Outre l’exposition photo et les Carnets touristiques, le projet Jusqu’où te mènera Montréal ? prendra la forme d’un cabaret théâtro-littéraire conçu et mis en scène par Martin Faucher au FTA : « Dans la continuité de Jusqu’où te mènera ta langue ?, cette traversée de Montréal est un véhicule puissant pour témoigner de l’actualité, où il y a vraiment une richesse pour les auteurs d’être placés dans une situation d’inconnu », avance le metteur en scène.

« Mon premier défi, c’était de redécouvrir Montréal, mon second, de résumer tout ce que j’ai découvert. Il y a tant de choses à dire que j’ai assez de matériel pour écrire un petit livre. Ce qui est bien, c’est que l’expérience m’a aussi obligé à redécouvrir mon quartier, la Petite-Italie », dit Thomas Hellman.

Jusqu’où te mènera Montréal ? — L’expo photo

Festival du Jamais Lu, dès le 1er mai, Théâtre Aux Écuries

Les carnets touristiques

Festival du Jamais Lu, jusqu’au 12 mai, Théâtre Aux Écuries

Jusqu’où te mènera Montréal ?

FTA, 7 et 8 juin, Cinquième salle, Place des Arts

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