2016 en coup de vent

Les six interprètes du «Beu-Bye» offrent une présence convaincante. Le problème vient surtout du texte.
Photo: Vincent Champoux Les six interprètes du «Beu-Bye» offrent une présence convaincante. Le problème vient surtout du texte.

Pour une troisième fois en trois ans, le Beu-Bye propose sa revue de l’année, version scène.

Annonçons d’emblée une revue de l’année qui beurre épais. Le numéro d’ouverture — qui, dans un croisement entre politique et Pokémon, montre un premier ministre combattant avec ses testicules énormes tatoués de feuilles d’érable — donne le ton d’un spectacle qui, à plus d’un moment, nous aura laissé perplexe.

La troupe menée par Lucien Ratio reprend les grandes lignes médiatiques des derniers mois : les pitbulls, les allergies dans les restaurants et les pipelines, le Ricardogate et les écoutes électroniques, Sklavounos, les libéraux, tout y passe. C’est l’idée même de la revue, naturellement.

Les sketchs, toutefois, restent souvent en surface, laissant l’impression d’un spectacle en rodage. Les phrases marquantes — Marine Le Pen et son « Allez vous coucher, les gamins… », par exemple — pleuvent, superposées, comme si le seul clin d’oeil devait suffire, ce qui est vrai pour les premières minutes pendant lesquelles on s’amuse des références. Au moment où plus de contenu devrait prendre la relève, le spectacle peine cependant à articuler des lectures plus piquantes, au-delà de l’évidence.

L’actualité de loin

Le Beu-Bye 2016 amène bien quelques passages mieux fouillés : un sketch où on force un Français à se mettre en maillot sur une plage québécoise, qui trouve le bon ton, et celui où on imagine une assurance antiviol, façon infopub, en font partie. De même pour un pastiche sur les radios de la capitale, qui parvient à montrer l’uniformité de celles-ci, à atteindre le coeur du phénomène. Et on rira quand même d’un « Réglisse Labeaume » qui essaie de s’arracher à la gravité pour monter dans son lit.

Restera, en contrepartie, cette impression qu’on frappe beaucoup sur des cibles faciles, sans autocritique en retour. L’effet de défouloir collectif deviendra alors visible.

On doit souligner que Joëlle Bourdon pilote un vibrant hommage à Cohen, Monika Pilon fait revivre Prince et accomplit des miracles dans la peau d’une Céline Dion poudrée ; elle s’éclate, ici l’amusement est contagieux. Reste que plusieurs des imitations tombent à plat, comme si une seule perruque avait dû suffire à faire apparaître les Martineau, Trudeau et Trump. Il aurait fallu, pour ce faire, dépasser les clichés.

Que le Beu-Bye soit bâti avec les moyens du bord n’est à aucun moment un problème ; l’énergie est là, aussi, les six interprètes offrent une présence convaincante. Le problème viendra surtout du texte parfois réduit à un trait de caractère plutôt large ou à une ligne juteuse ayant circulé sur Internet, et du traitement à certains moments si caricatural qu’on n’en reconnaîtra même plus l’actualité, de laquelle il ne restera au final ici et là qu’un clin d’oeil amusé.

Beu-Bye 2016

Textes : Lucien Ratio, Philippe Durocher et Jean-Philippe Côté, ainsi que les comédiens Mise en scène : Lucien Ratio. Avec Joëlle Bourdon, Jean-Philippe Côté, Nicolas Létourneau, Edwige Morin, Monika Pilon et Lucien Ratio Une production du Théâtre du Temps qui s’arrête, à La Bordée jusqu’au 17 décembre.

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