Conte rural

Un vent se lève qui éparpille déroule un récit tragique de désir, d’inceste et de crime passionnel, à travers une construction travaillée.
Photo: Marianne Duval Un vent se lève qui éparpille déroule un récit tragique de désir, d’inceste et de crime passionnel, à travers une construction travaillée.

Lauréate du Prix du gouverneur général en 2000, cette oeuvre du dramaturge Jean Marc Dalpé n’était pas d’abord destinée au théâtre. Très narrative, à la fois lyrique et ancrée dans la terre, dans les éléments naturels du coin de pays qu’elle décrit, le Nord ontarien, la langue de ce premier — et unique, pour l’instant — roman paraît toutefois bien s’y prêter.

Porté à la scène l’hiver dernier par le Théâtre du Nouvel-Ontario, dans une création à Ottawa, Un vent se lève qui éparpille déroule un récit tragique de désir, d’inceste et de crime passionnel, à travers une construction travaillée. La pièce se promène ainsi dans la temporalité, à coups d’allers-retours en arrière, pour raconter une histoire qui a déjà eu lieu, où les personnages sont poussés par des pulsions qui les dépassent.

Mis sur scène dans une scénographie symbolique de Gabriel Tsampalieros, une structure de bois aux planches mal équarries et ouverte à tous vents, le texte offre les points de vue des quatre personnages directement impliqués : la jeune femme de 17 ans (Milva Ménard) qui suscite toutes les passions qui précipiteront le drame, son jeune soupirant « foudroyé » (fervent Bryan Morneau), ainsi que l’oncle (intense David Boutin) et la tante (Annick Léger) qui ont élevé Marie. Outre les émotions fortes qui propulsent ce quatuor d’amoureux blessés ou trahis, il est question dans la pièce du temps, de la mémoire, cette infidèle qui recrée le passé à sa manière, de ce qui subsiste des gens qu’on a perdus.

Le début du récit, raconté à quatre voix en alternance, se révèle dynamique. Mais la suite de cette adaptation signée à six mains prend surtout la forme d’une succession de quasi-monologues, où s’impose tour à tour la vision de chaque personnage. La qualité du jeu étant inégale, les segments ne happent pas tous pareillement. Le soliloque de la tante paraît ainsi s’étirer longuement. Pas évident pour les interprètes, il faut dire, que cette partition qui opère parfois des transitions du mode narratif, forcément plus distant, à des passages joués.

On trouvera aussi un peu étonnantes, dans cet univers qui se réclame de la tragédie grecque (mais à la sauce franco-ontarienne), ces quelques scènes légères qui mettent en vedette deux villageois (Roch Castonguay et Robert Marinier) apportant le point de vue de la communauté (un peu comme s’ils étaient des sortes de version comique de membres du choeur). Ces intermèdes souriants imposent un changement de registre, qui nous sort de la densité du récit et dilue sa force tragique.

Un vent se lève qui éparpille

Texte : Jean Marc Dalpé. Adaptation : Johanne Melançon, Geneviève Pineault et Alice Ronfard. Mise en scène : Geneviève Pineault. Coproduction du Théâtre du Nouvel-Ontario, du Théâtre de la Vieille 17 et du Théâtre français du Centre national des arts. À La Licorne, jusqu’au 12 novembre.

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