Anne Shirley dans la roulotte de Paul Buissonneau

Après avoir été entreposée dans un champ à Mandeville pendant près de 30 ans, la roulotte de Paul Buissonneau, celle-là même qui a fait les beaux jours du théâtre jeunesse à Montréal de 1953 à 1980, a été remise à neuf il y a six ans grâce à la municipalité de Saint-Gabriel-de-Brandon. La petite séduction s’amenait alors dans la ville et l’idée de faire renaître cet objet patrimonial a pris vie. C’est en 2013 que la roulotte, alors toute bien bichonnée, commence sa tournée dans les municipalités de Lanaudière, offrant gratuitement au public familial des pièces tirées du répertoire classique. La troupe de théâtre Advienne que pourra prend les rênes de cette aventure en présentant d’abord Le tour du monde en 80 jours, puis Le chat botté (2014) et Sherlock Holmes (2015).
Le Théâtre et la roulotte
Il faut dire que la roulotte de Paul Buissonneau est un projet parallèle au Théâtre la Roulotte, le plus vieux théâtre jeunesse au Québec, qui lui poursuit ses représentations dans les parcs de l’île de Montréal. Aujourd’hui le fruit d’une collaboration entre la Ville de Montréal, l’École nationale de théâtre du Canada et le Conservatoire d’art dramatique de Montréal, le théâtre La Roulotte dispose d’une scène moderne qui n’a plus rien à voir avec la roulotte d’origine de Buissonneau.
Cette dernière sillonne maintenant les parcs de Lanaudière, mais s’étend un peu. Ayant notamment foulé le sol de Saint-Élie-de-Caxton, elle ira bientôt à la rencontre des gens de Valleyfield. Patrice Jetté, directeur des communications et du développement culturel à la Ville de Saint-Gabriel, aimerait d’ailleurs la faire rouler plus loin, voire jusqu’à Québec. Cet été, elle nous offre une adaptation d’Anne… la maison aux pignons verts, célèbre série adaptée du roman de Lucy Maud Montgomery.
Astucieusement adaptée et mise en scène par Frédéric Bélanger, la pièce regorge de mille et un détails qui nous plongent littéralement et sans effort dans l’univers de la jeune orpheline. En 75 minutes, nous suivons le parcours d’Anne (Paméla Dumont) qui la mène de son arrivée à Green Gables jusqu’à sa sortie du collège. Les choix effectués par Bélanger ne trahissent en aucun cas la personnalité flamboyante et la vie du personnage. Que ce soit la rencontre de son âme soeur Diana Barry (Shauna Bonaduce), les moqueries de Gilbert Blythe (Steve Gagnon), ou alors différentes aventures toujours plus grandes que nature, tout laisse croire que Bélanger a su saisir l’essence de la série.
Les contraintes du temps et de l’espace sont d’ailleurs bien gérées. Sur une toute petite scène aménagée avec doigté, les quelques objets changent de vocation selon le tableau présenté. Une échelle devient, sans effort, une barque ; un trait de craie dessiné au sol, le toit d’une maison sur lequel Anne joue l’intrépide. La magie opère. D’ailleurs, à l’image de la personnalité de l’héroïne, la scénographie donne à voir l’invisible. Alors qu’Anne aperçoit les pignons verts et pointe la maison au loin, tous les petits du public — et même quelques grands — se retournent pour voir la beauté exprimée par la jeune fille.
Le jeu des comédiens y est bien sûr pour quelque chose. Paméla Dumont, fraîchement diplômée de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM campe le rôle d’Anne avec justesse. La force de son jeu, l’aura candeur et romantique qu’elle dégage nous (re)plonge instantanément dans l’univers poétique de la jeune orpheline. Les quatre autres comédiens, Steve Gagnon, Maxime Desjardins, Katrine Duhaime et Shauna Bonaduce, jouent tour à tour différents rôles allant de Marilla et Matthew, à Mme Spencer en passant par Josie Pie, ou encore le maître d’école. L’effet est réussi.
Ajoutons à cela quelques pas de danse et de la musique inspirée du folklore acadien qui viennent ponctuer les riches dialogues et ajouter à l’ambiance festive de cette pièce.
« Comme disait Matthew, c’est vraiment très bien. »