Au choeur des événements

La Manufacture nous fait à nouveau communier avec le théâtre de David Greig dans «Les événements».
Photo: Soneill La Manufacture nous fait à nouveau communier avec le théâtre de David Greig dans «Les événements».

Après Yellow Moon et Midsummer, la Manufacture nous fait à nouveau communier avec le théâtre de David Greig. Dans Les événements, une pièce ici traduite par Maryse Warda et mise en scène par Denis Bernard, l’auteur écossais parvient à aborder un phénomène de société des plus préoccupants, celui des tueries de masse. Il le fait en évitant toute forme de manichéisme, parvenant même à faire surgir la lumière dans les instants les plus sombres.

Écrite en réponse à la tuerie survenue en 2011 sur l’île d’Utøya en Norvège, la pièce évoque plusieurs tragédies du même ordre. Cathartique, pour ne pas dire réparateur, ce théâtre vise la résilience, la réconciliation, celle des êtres humains entre eux, mais aussi celle de l’individu avec lui-même. Cette fois encore, l’auteur adopte une manière unique de raconter, l’histoire nous apparaissant dans un désordre qui n’en est pas un, par des fragments qui s’imbriquent superbement.

Qu’est-ce qui pousse un jeune homme à entrer dans la salle de répétition d’une chorale multiethnique pour ouvrir le feu ? C’est cette question qui hante Claire (Johanna Nutter), la directrice de ladite chorale, qui a survécu aux événements, tout comme le tueur. Dans sa quête de vérité et d’apaisement, la jeune femme, prêtre anglicane, lesbienne, va remuer ciel et terre. Le véritable sujet de la pièce, vous l’aurez compris, bien plus encore que le geste irréparable, c’est la cruciale question de l’ouverture à l’autre.

Il arrive que pour retrouver le goût de vivre, seul ou ensemble, pour renouer avec notre humanité fuyante, rien ne soit plus efficace que de s’abandonner aux mystères du théâtre. Cette fois, pas de doute, quelque chose de peu banal se produit. C’est beaucoup grâce au pouvoir inouï du chant et de la musique. Sous la direction d’Yves Morin, les huit membres de la chorale accompagnent l’action à la manière d’un choeur grec. À la fois concret et éthéré, jamais redondant, le groupe exprime l’indicible.

Entourés par ces présences, ces voix et ces instruments, mais aussi par la poésie des images projetées et la douce lumière dans les arbres, Johanna Nutter et Emmanuel Schwartz sont tout simplement brillants. Schwartz, la crinière blonde comme les blés, incarne non seulement le tueur avec beaucoup de conviction, mais aussi tous les autres rôles de la pièce, du psychologue au chef d’une organisation d’extrême droite en passant par la conjointe de Claire. Le procédé, d’une grande efficacité, est aussi porteur de nuances cruciales, à l’image de ce théâtre musical des plus émouvants.

Les événements

Texte : David Greig. Traduction : Maryse Warda. Mise en scène : Denis Bernard. Composition et direction musicale : Yves Morin. Une production de la Manufacture. À la Licorne jusqu’au 20 février.

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