Trentenaires provocants

Les fantasmes du passé peuvent parfois ébranler les certitudes du présent. Parlez-en à Louis, pour voir ! Montréalais dans la trentaine, vivant en condo avec sa blonde et s’approchant dangereusement de la paternité, l’homme va voir le ronron de son existence déterminée bouleversé par Ferdinand, vieux copain d’université qui débarque à l’improviste chez lui après sept ans de tour du monde. L’aventurier a la débauche et la légèreté de l’être à fleur de peau. Une provocation d’adolescent sur fond de film « d’art » érotico-gai va transporter le plus aspirant au conformisme des deux sur le chemin du doute et de la remise en question. Forcément.
À l’origine, cette histoire a marqué la programmation du festival Sundance en 2009 en trouvant sa place dans le film Humpday de Lynn Shelton, composante de la mouvance cinématographique américaine dite « mumblecore », que l’auteur de théâtre britannique DC Moore a transposé sur planches à Londres. L’adaptation québécoise, signée Guillaume Tellier, est présentée actuellement, sous le titre Straight, dans le cadre du festival multifacette Zoofest à Montréal. Malgré quelques failles, elle dévoile dans un tout minimaliste une mécanique comique habilement livrée.
Thérapie pour trentenaire
Le décor est absent. Les accessoires sont même joués, laissant toute la place au texte — simple et drôle à la fois — et aux comédiens qui en un peu plus d’une heure donnent corps à cette thérapie pour trentenaire en crise où l’hétéroconformisme et ses figures sociales imposées se font accuser de vacuité et de castration. En jeune adulte incertain face aux responsabilités qui lui incombent, Tellier conduit cette ode au droit d’être parfois un peu con avec efficacité et humour contrôlé, accompagné brillamment par un Benoît Mauffette redoutable et convaincant en esprit libre assumant pleinement sa mauvaise influence. La blonde casanière — jouée par Marie-Claude Guérin — n’atteint toutefois pas le même niveau de conviction que les autres, donnant même l’impression — heureuse pour la comédienne, mais dommage pour cette production — de ne pas avoir trouvé en elle cette juste matante ou « Germaine » qu’il aurait pourtant fallu exhiber ici.
Sans prétention, la proposition n’a pas plus à offrir qu’une autre exploration superficielle sur le sens de la vie et l’appel de la marginalité qu’induit parfois le confort dont la facilité peut faire grincer les charnières d’une vie. C’est vrai. Mais elle a le mérite de le faire dans un tout joliment divertissant.