Maison modèle

Après House en 2001 et Neutral Hero en 2011, le New-Yorkais Richard Maxwell est de retour au FTA avec Isolde, un spectacle créé en 2013, une oeuvre déroutante et pourtant maîtrisée qui s’inspire vaguement du mythe de Tristan et Iseult.
L’intrigue, aussi mince soit-elle, s’appuie sur un bon vieux triangle amoureux. À vrai dire, tout part de l’actrice instable, Isolde, ou plus précisément de son désir d’apprivoiser sa mémoire en fuite, et, de manière plus générale, l’impermanence du monde, en se faisant construire la maison de ses rêves.
C’est là qu’intervient l’architecte, Massimo, qui ne tardera pas à séduire sa cliente avec de belles promesses, des formules vaseuses et néanmoins poétiques. Entre les deux, il y a le mari, Patrick, l’entrepreneur pragmatique, qui, à l’aide de son ami, l’énigmatique Uncle Jerry, résistera tant bien que mal à l’envahisseur.
La maison est une représentation de celui qui l’habite. Elle exprime ses croyances, sa peur et sa bravoure, ses aspirations et ses appartenances. En 1957, dans La poétique de l’espace, un ouvrage impérissable qui pourrait bien avoir servi d’inspiration au créateur d’Isolde, le philosophe français Gaston Bachelard écrivait que la maison est « une des grandes puissances d’intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l’homme ».
À partir d’une matière plutôt convenue, qui tient en quelque sorte du roman-savon, Maxwell donne naissance à un spectacle qui détourne les attentes, se joue des conventions. Dans un espace presque vide, les comédiens adoptent un jeu étrange, à la fois mythique et quotidien, un ton factice, affecté, ou à tout le moins distancié qui exacerbe le caractère théâtral de l’aventure.
En somme, cet objet inquiétant — et, avouons-le, un brin éprouvant — permet au metteur en scène états-unien de régler des comptes avec le mode de vie occidental, la quête de bonheur parfois désespérée de ses contemporains matérialistes, mais aussi avec le théâtre et les carcans réalistes et psychologiques dont il peine à se libérer.