Peinture et collage

Tout est en morceaux. Dans Débris. Pièce montée à La Licorne. En ce moment. À Montréal.
Du coup, cette critique le sera aussi. Pourquoi pas ?
Tant de fragments : c’est la faute à un accident d’autobus. Daniel va y survivre. C’est un artiste peintre. L.J. aussi. C’est une danseuse nue. C’était, en fait. Parce qu’elle a perdu des morceaux dans le drame.
La base est post-traumatisée. Dessus, Ursula Rani Sarma y promène des destins abîmés. Destins découpés avec précision et malice par l’auteure. Une Irlandaise d’origine indienne. Ils sont en train de s’effriter. Ils se croisent. Se percutent. Au-dessus de leur tête, il y a des restes d’un autobus, suspendus. Celui qui a été percuté par un camion. Il y a même un écran vidéo qui projette des scènes de route. Mais pas que. C’est cohérent.
La forme colle au fond. Jean Marc Dalpé a fait la traduction. Juste.
Ici, on est chez Daniel. Décor minimaliste. Maxime Denommée lui donne corps. Plutôt bon en créateur torturé par les images d’un accident. Il ne s’en souvient qu’en cauchemar. Ça le bloque. C’est le problème. Il vit avec sa soeur. Elle est aussi paumée. Pour d’autres raisons. Une histoire de famille en morceaux. Peut-être.
Un affreux béotien va en abuser. Quand il parle, les yeux nous piquent.
Là, on est chez L.J. C’est Évelyne Rompré qui la joue. Avec une blessure à vif montée sur roue. Impuissance. Injustice. Le regard raconte tout ça. Avec conviction. Plus loin, on est chez Gerry. C’est un psychiatre. C’est aussi Roger La Rue. Grand. Au propre et au figuré. Il lui manque des bouts. Lui aussi. Mais c’est pour mieux se poser en personnage principal de cette autopsie. Sans doute.
La trame narrative est montée, elle, sur des ellipses. Habilement. Sous les yeux, des bouts de vies en morceaux se font éclairer par coups secs. Parfois de manière frontale. À l’image de l’impact entre deux véhicules lourds. Sans drame. Ni catastrophe du moins. La mise en scène saisit bien l’objet. Tout comme la complexité relative des personnages habités par le chaos.
Débris, c’est sombre. Débris, c’est l’humanité dans sa faiblesse crue. Dans ses impuissances, aussi. Débris, c’est la métaphore de la fêlure qui devient durable. Du passé qui paralyse, qui coupe les jambes. Débris, ce n’est pas beaucoup d’espoir. Et c’est à prendre comme ça.