Mélodie juste pour pianiste improbable

Dans Novecento : pianiste, il y a de l’humanité, de la poésie, le mythe des grands voyages, la quête de la liberté contrainte par une vie carcérale en format flottant.
Photo: Eva-Maude Tardif-Champoux Dans Novecento : pianiste, il y a de l’humanité, de la poésie, le mythe des grands voyages, la quête de la liberté contrainte par une vie carcérale en format flottant.

Quand on y pense, en effet, c’est un peu troublant : avec un système mécanique fermé de 88 touches, pas une de plus, un piano permet malgré tout d’accéder à l’infini.

 

Le raisonnement peut laisser perplexe, mais il explique aussi, en partie, la drôle de vie de Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento, enfant né, puis abonné sur un paquebot au début du siècle dernier. Captif de ce transatlantique, il en deviendra le pianiste chargé de divertir les passagers, tout comme un être complexe capable d’aller bien plus loin que les allers-retours entre deux continents, malgré les contraintes physiques du navire qu’il ne quittera jamais.

 

L’histoire est fictive. Elle a été imaginée en 1994 par Alessandro Barrico — l’Italien qui a mis au monde le roman Soie — et trouve depuis mercredi une résonance intéressante sur les planches du théâtre Denise-Pelletier à Montréal sous le titre de Novecento : pianiste.

 

La troupe du Théâtre de la Trotteuse est derrière tout ça, mais également au-devant d’une scène où, sur plusieurs dimensions le destin improbable d’un homme (qui prend vie avec le pouvoir de conviction de Simon Dépot), va être raconté par Tim Tooney, au classicisme parfaitement incarné par Martin Lebrun. L’artiste frêle est trompettiste de l’orchestre du Virginian — c’est le nom du navire — et surtout fil conducteur de ce monologue mis en image dans une succession de tableaux par un quatuor de comédiens, complété ici par Jacinthe Gilbert et Karine Chiasson.

 

Il y a de l’humanité, de la poésie, le mythe des grands voyages, la quête de la liberté contrainte par une vie carcérale en format flottant. Il y a aussi dans l’air — comme sur l’eau où l’action se joue — l’autopsie d’une existence marquée par la fatalité avec des tonalités ésotériques et psycho-pop que la mise en scène de Geneviève Dionne arrive habilement à contrôler, à gommer même à certains endroits, par des procédés narratifs amenant plutôt le texte de Barrico sur ces sillons documentaires et romanesques qui lui vont si bien.

 

La portée n’est pas trop formelle, l’interprétation non plus. La mélodie d’ensemble est sobre et juste, assez envoûtante pour transporter le spectateur sur les flots de cette aventure humaine, avec délicatesse et ravissement, à l’image d’une croisière par temps calme qui se passerait bien.

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