Monter sur les planches sans crier famine, est-ce possible?

Le Conseil québécois du théâtre (CQT) poursuit son exercice de documentation des conditions de travail et de la réalité socio-économique des praticiens du théâtre d’ici. Voici donc la troisième édition du fort détaillé Profil statistique de la saison théâtrale, pour la période 2009-2010.

L’idée d’effectuer une enquête suivie depuis 2007 « a germé avec la préparation des Seconds États généraux du théâtre en 2007, a expliqué au Devoir Sylvie Meste, responsable des communications au CQT. On a alors réalisé qu’on ne disposait pas de chiffres suffisamment fiables pour examiner la réalité socio-économique de l’art théâtral. » Depuis l’étude-pilote de 2007-2008 se poursuit donc pour la première fois au Québec une collecte d’informations aussi suivie sur les conditions des artistes du théâtre.


Résultat ? Le revenu moyen des interprètes en art théâtral a chuté en 2009-2010 de 15 %, à 8457 $ par année, alors que les activités théâtrales sont restées à un niveau similaire à la période précédente. Le portrait est semblable pour les concepteurs, dont le revenu moyen a baissé à 4454 $. Avant de conclure que monter sur les planches équivaut à crier famine, il est bon « de préciser aussi ce que ces statistiques ne disent pas, rappelle l’auteur de l’étude, Étienne Lévesque. La rémunération étudiée implique seulement l’art théâtral, mais certains comédiens et concepteurs ont peut-être travaillé aussi en cinéma ou en publicité au cours de cette période. Comme il n’est pas exclu qu’ils aient été obligés de travailler comme serveurs de restaurant. Chose certaine, en lisant ces chiffres, on sait qu’on ne peut pas espérer vivre de l’art théâtral au Québec. »


La diffusion reste problématique et centralisée dans les grands centres urbains. La France et le reste du Canada ont reçu davantage de représentations de théâtre québécois que les régions de la province. L’Ontario, à l’échelle du pays, continue d’être particulièrement accueillant, comparativement aux autres provinces, aux représentations québécoises. Effet de proximité ?


Par ailleurs, les textes d’ici arrivent à s’incarner : 80 % des oeuvres portées à la scène ont permis à un auteur québécois d’être rémunéré, ne serait-ce que pour une traduction. La disparité demeure très grande entre les auteurs masculins et féminins; 65 % des pièces jouées sont écrites par des hommes. « La proportion demeure autour de 60 %-40 % depuis qu’on a commencé ces études », précise Étienne Lévesque. Des chiffres qui n’ont que peu évolué, semble-t-il, depuis 2009, où l’étude Le rideau de verre de Marie-Ève Gagnon, pour l’Association québécoise des auteurs dramatiques, soulignait que 61 % des pièces québécoises jouées au cours des sept saisons précédentes étaient signées par des hommes, 29 % par des femmes et 10 % par des collectifs mixtes.


Pour 2009-2010, il s’est fait 725 spectacles théâtraux au Québec, soit 10 599 représentations, produites par 332 compagnies différentes.

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