Théâtre - Le revenant

Pour sa première production, le Théâtre de l’Embrasure n’a pas choisi la voie de la facilité. Sèche et tranchante comme une lame, la pièce de Lars Norén a une espèce de valeur exemplaire par son dépouillement implacable. Et la puissance concentrée d’une tragédie antique.
Guerre pourrait être la dissection, l’ossature des retombées de n’importe quel conflit fratricide. Elle expose l’impact d’horreurs inimaginables sur les survivants, dans un contexte d’après-guerre qui n’est surtout pas la paix. Un soldat retourne chez lui, mutilé, et ne reconnaît pas sa famille. Il est aveugle, dans un sens propre comme figuré, incapable de voir que ses proches ont vécu leur propre enfer. Aucun d’entre eux n’est le même. Sa femme ne veut plus de lui, ses filles ont grandi trop vite, son propre frère l’a remplacé dans le lit conjugal ; il n’y a plus de place au sein du foyer pour cet homme qui semble attaché aux anciennes valeurs patriarcales. L’ancien ordre des choses est mort.
Exposant l’étrangeté de ces retrouvailles entre morts- vivants, le grand dramaturge suédois pose un regard sans sentimentalité sur cette famille disloquée par la barbarie, dans un monde où il n’y a plus d’innocence. La petite production mise en scène par Priscille Amsler tient généralement assez bien ce registre dur, sobre, contenu. Elle dirige une distribution inégale dans un jeu contrôlé, mais physique. Catherine Rochefort, notamment, interprète la mère avec ce qu’il faut de dureté et de rigueur. En père décalé, et devenu quelque peu monstrueux, Manuel Sinor semble parfois camper sur la ligne entre le tragique et l’absurde. Seule Isabelle Montpetit livre une composition plus exubérante, en benjamine chez qui les atrocités n’ont pas encore totalement tué l’enfance.
La jeune compagnie s’est donné pour mandat de s’intéresser au rapport à l’espace. Et il y a là en effet une bonne utilisation, dans l’interaction entre les personnages, de la petite salle au sous-sol du théâtre Prospero. La scène, presque nue, est surmontée par un plafond incliné qui en comprime l’espace. Guerre instaure un climat oppressant.
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Collaboratrice