Théâtre - Duo bien accordé

Rien de plus banal, en matière de fiction, qu'une histoire d'amour, que la rencontre hasardeuse entre un homme et une femme. Tout a été dit; reste la manière. Et David Greig parvient à offrir une variation rafraîchissante sur les poncifs de la comédie romantique, qu'il parodie en même temps qu'il lui apporte des accents à la fois vrais et fantaisistes.
Midsummer est un objet théâtro-musical charmant et sans prétention, conçu pour deux comédiens-chanteurs-guitaristes.Après ce qu'ils croyaient être simplement un one night stand, Helena, l'avocate esseulée et Bob, le poète velléitaire qui fraie avec le milieu louche, vivront une folle virée dans l'Édimbourg nocturne et marginal. Un récit épique qu'ils nous racontent à tour de rôle, avec autodérision. Et ces solistes foncièrement désassortis vont bien sûr former un duo d'abord discordant, avant de réaliser qu'il est possible de changer leur destin...
L'auteur écossais (dont La Licorne avait déjà présenté Yellow Moon à l'automne 2010) porte un regard doux-amer sur ses héros saisis à la mi-temps de la trentaine. Bref à une période volontiers marquée par la remise en question de nos orientations existentielles, par le désenchantement amoureux, la perte des illusions; où l'on commence à prendre conscience de la mort qui nous attend au bout, et de ce qu'on aura légué, au final.
Des thèmes connus, mais emballés ici dans une partition mi-racontée mi-jouée, un mariage de prosaïsme et d'imagination. Un récit primesautier rendu dans une traduction rythmée, imagée d'Olivier Choinière, dont la langue charrie une authenticité terre-à-terre très proche de nous.
La forme scénique est souple, variée, empruntant diverses façons de raconter: fausse conférence, bulletin météo..., mais surtout neuf chansons, souvent humoristiques, signées Gordon McIntyre. La mise en scène de Philippe Lambert est aussi flexible, succession plus ou moins lâche de numéros, qui prennent place avec naturel, dans une ambiance très décontractée. Il y a là comme une façon de ne pas se prendre au sérieux, une grande simplicité où les interprètes semblent jouer à raconter, à évoquer les personnages secondaires de leur histoire.
Les deux comédiens partagent une complicité palpable. La lumineuse, débridée Isabelle Blais se métamorphose sans peine (elle est, entre autres, hilarante en mafioso). Pierre-Luc Brillant semble un peu moins polyvalent que sa comparse, mais sa présence plus terrienne, en bourru sympathique, forme un contrepoint à ce couple tout en contrastes. En leur délicieuse compagnie, on a envie de croire à la possibilité des nouveaux départs...
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Collaboratrice du Devoir