12e congrès du Conseil québécois du théâtre - Vers des théâtres institutionnalisés?

Le milieu théâtral québécois rêve de véritables institutions. En congrès ce week-end, des représentants de l'ensemble du milieu théâtral ont discuté d'une charte exprimant la nécessité de se doter de lieux de création plus libres, et surtout pérennes, auxquels on accorderait une reconnaissance et un statut particulier, pour favoriser de toutes parts l'«avancement de l'art théâtral».

Le modèle théâtral développé ici depuis les années soixante a entraîné la multiplication et le développement de lieux de production et de diffusion qui ressemblent à ce qu'il est convenu d'appeler des institutions, mais ces théâtres établis fonctionnent plus ou moins comme des théâtres privés, où les directeurs artistiques, loin de pouvoir se consacrer véritablement à l'art, sont devenus des gestionnaires dont une partie grandissante du travail consiste à chercher des fonds pour payer les factures d'électricité. En résulte une culture de consommation culturelle toute centrée sur le principe de l'abonnement et de la fidélisation des spectateurs, qui dicte bien souvent des visions artistiques un brin consensuelles et un mode de production rapide qui s'avère trop souvent incompatible avec des projets artistiques de longue haleine ou des propositions théâtrales plus risquées.

Des théâtres transportant un ensemble de valeurs

La définition de théâtre institutionnel proposée par le Conseil québécois du théâtre (CQT) est large, mais les discussions ont permis de dégager certaines valeurs qui doivent primer: la mise en lumière de la dramaturgie québécoise, la reconnaissance des talents émergents, le souci de développer de nouvelles esthétiques, de mettre les grands plateaux au service de l'innovation et de favoriser de meilleures conditions de pratique (notamment des processus de création plus lents). De tels théâtres institutionnalisés devraient également être répartis dans les différentes régions, créant partout d'importants «pôles de production». La question de la transmission des savoirs et du dialogue intergénérationnel brûlait également les lèvres.

Des directions artistiques transitoires?


Un théâtre institutionnel, selon la définition proposée par le CQT, se dote d'un mandat artistique clair et, se mettant au service de l'ensemble du milieu, n'est pas «l'instrument d'un créateur unique» et opte pour une «direction artistique transitoire». Or, à ce sujet, les opinions divergent grandement. Si l'idée de mandats à durée déterminée séduit une grande partie du milieu qui y voit le moyen le plus efficace d'éviter un théâtre sclérosé et immobile, il s'est trouvé un grand nombre de gens pour affirmer que le travail d'un directeur artistique est un travail de fond qui nécessite du temps. Et surtout, la structure actuelle de nos théâtres, des organismes à but non lucratif dirigés par des conseils d'administration, est incompatible avec l'idée d'une direction artistique transitoire. Personne ne peut imposer ce fonctionnement à un conseil d'administration. Le modèle reste à inventer.

Conclusion? Si quelques divergences d'opinions persistent, le milieu a affirmé presque unanimement son désir de faire reconnaître la charte du théâtre institutionnel proposée par le CQT, dont le texte sera déposé au Conseil des arts et des lettres du Québec le 1er février prochain. Les intéressés pourront consulter dès demain sur le site du CQT les trois propositions votées par l'assemblée (www.cqt.ca).

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Collaborateur du Devoir

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