Théâtre - Sidérantes mises à mort à Avignon

Dans Clôture de l’amour, Audrey Bonnet témoigne de son talent de tragédienne exceptionnel.
Photo: Agence France-Presse (photo) Bertrand Langlois Dans Clôture de l’amour, Audrey Bonnet témoigne de son talent de tragédienne exceptionnel.

Le Devoir à Avignon

La complexité des relations entre les hommes et les femmes nourrit activement les scènes de théâtre... et l'inverse est souvent vrai, on le sait. Mais les défis lancés à la relation amoureuse sont aussi multiples que les couples qui la vivent, et Pascal Rambert a décidé de situer précisément sa Clôture de l'amour, qui prenait l'affiche dimanche au Festival d'Avignon, dans ce moment crucial de la rupture.

Il faut parler ici de mise à mort plutôt que de rupture, tellement elle est brutale et définitive. Pascal Rambert — qu'on connaît peu au Québec même s'il fréquente régulièrement le Festival d'Avignon depuis 1989 — livre ici une oeuvre d'une force exceptionnelle, portée par deux acteurs remarquables; son texte prend souvent l'éclat brillant d'un scalpel disséquant avec précision la chair même de la relation. Rambert, qui signe aussi une mise en scène particulièrement sobre, propose en fait une sorte de duel sanglant mené à coups de grandes salves de mots.

Ce duel en deux temps bien distincts se déroule dans une salle de répétition toute blanche, nue, sans aucun artifice. Dès la première réplique, lui d'abord, Stan (Stanislas Nordey, dont on parvient à oublier les chuintements insupportables) annonce à Audrey (Audrey Bonnet, tout simplement remarquable) que ça ne continuera plus et que tout est fini entre eux. Et il parle. Sans arrêt. Il se dit prisonnier, parle avec des mots qui frappent, lourdement, cherchant délibérément à faire mal, à blesser, à détruire. Cette logorrhée sans fin prend vite la forme d'une charge en règle qui va dans tous les sens et qui vise nommément à effacer tout ce que le couple a pu vivre ensemble depuis des années. Puis, des heures plus tard, alors que le mal est fait, qu'il se tait et qu'elle va répondre enfin, peut-être, on frappe à la porte... et un choeur d'enfants s'installe et se met à répéter une chanson de Bashung.

Le répit est pour le moins bizarre, factice même, mais il permet à tout le monde de se remettre à respirer. Et puis ça repart, mais cette fois c'est elle qui parle et lui qui se tait. La réplique est magistrale, déchirante, encore plus sentie: Audrey Bonnet trouve là l'occasion de témoigner de son talent de tragédienne absolument exceptionnel. Elle parle comme une femme détruite de l'intérieur avec une justesse à faire frémir. Il est trop tard, il n'y a plus rien à faire, mais elle reprend chacun de ses arguments à lui, en montrant à quel point une relation ne peut se construire que sur des engagements successifs, différents et répétés. Bref, Clôture de l'amour est un grand texte qu'on vous souhaite de voir un jour.

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