Le moins qu'on puisse dire, c'est que le metteur en scène René Richard Cyr n'est pas superstitieux. En plantant une énorme horloge au beau milieu d'un décor de théâtre, qui indique le temps réel de la représentation, il aurait pu distraire les spectateurs impatients d'arriver à la fin. Or, lors de la représentation à laquelle nous avons assisté, on a regardé l'heure seulement à deux ou trois reprises, avant que ne sonnent les 12 coups de Minuit chrétien, la production du temps des Fêtes de la compagnie Jean-Duceppe.

Or, si on ne s'ennuie pas, on n'est pas particulièrement captivé, ni même touché, par cette pièce française. Malgré l'adaptation québécoise de Cyr, le texte de l'auteur breton déborde de clichés et reste terriblement prévisible d'une scène à l'autre.

Croisement entre Les Voisins, de Meunier (pour l'absurdité), 24 poses, de Boucher (pour l'hyperréalisme), et À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, de Tremblay (pour la cruauté de cette «gang de tu-seuls ensemble»), Minuit chrétien dépeint un repas de Noël qui vire en catastrophe. Le décor nous montre plusieurs pièces de la maison des parents où se déroule le réveillon. Chacun des dix personnages de cette famille de région est à la fois caricatural et vraisemblable: le père épais et alcoolique; la mère manipulatrice; la tante cochonne et l'autre snob, mariée à un médecin; le fils homosexuel; la fille égocentrique avec son chum macho ; sans oublier, au milieu des enfants et de leurs conjoints, la grand-mère amère et confuse, devenue un fardeau...

D'accord pour les stéréotypes familiaux, encore faut-il savoir les élever avec de bonnes répliques et un peu d'humanité. Ici, tout est dit, redit et souligné pour nous montrer les failles de cette famille a priori comme les autres, mais dont il manque un ingrédient essentiel à leur union: l'amour.

Certes, c'est bien là le propos de Tilly: «Famille, je te hais!» Et vrai, ces nuits de Noël forcées tournent souvent, l'alcool et le stress aidant, au vinaigre. Or voilà: pour s'étonner et rire de la cruauté des uns envers les autres, le soir du 24 décem-bre, on (re)louera plutôt Le Père Noël est une ordure!

LE classique du genre.

Car Minuit chrétien est une pièce de boulevard agréable, sans plus. Sa mécanique manquait un peu d'huile le soir de la première. La distribution, pas mauvaise, semblait inégale dans cette pièce chorale qui exige de la précision extrême dans le jeu. Des ténors comme Gilles Renaud, Adèle Reinhardt, Monique Spaziani ou Chantal Baril contrastent avec d'autres interprètes moins expérimentés. Certains silences étaient trop longs; des répliques comiques sonnaient un peu faux.

À la fin, lorsque ce réveillon a totalement dérapé, après que tout le monde se fut dit ses quatre vérités, chacun reviendra à sa vie normale. Sans résolution, ni évolution. Curieux message.

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Collaborateur du Devoir