Théâtre - Un petit pan de culture japonaise

Le clou du spectacle sera de voir Marie Brassard se draper lentement et cérémonieusement dans un magnifique kimono.
Photo: Yves Renaud Le clou du spectacle sera de voir Marie Brassard se draper lentement et cérémonieusement dans un magnifique kimono.

C'est un superbe objet, à l'esthétisme raffiné, que François Girard livre ici. Une mise en scène en concordance avec un beau texte, empreint d'une pudeur toute japonaise qui nous tient un peu à distance. Jouée presque entièrement dans la pénombre, la pièce semble tracer un chemin vers la lumière.

Racontant un amour illicite, et la mort qui y met fin, Le Fusil de chasse défile un récit épistolaire en trois temps. Des missives qui ne sont pas vraiment des lettres d'amour: plutôt d'adieu, de demande de divorce ou d'accusation. Toutes adressées à ce chasseur qu'on ne connaîtra pas vraiment (Rodrigue Proteau, campé en arrière-scène, que le peu d'éclairage ne me permettait hélas que de deviner) par trois femmes, deux moralement détruites, l'une physiquement morte.

La musique omniprésente d'Alexander MacSween crée une tension pour porter cette histoire de trahison et de mensonges, où les sentiments se révèlent différents des apparences, où les monologues finissent par dessiner des vérités cachées. Quant à l'environnement visuel, il compose de véritables tableaux. La scénographie de François Séguin, dont la simplicité n'est qu'apparente, se transforme à chaque monologue, par un mécanisme généralement discret (quoique cette boîte descendant du ciel s'avérait un peu distrayante). Le spectacle met ainsi les deux premiers personnages en position de déséquilibre: marchant dans l'eau, ou circulant sur un sol inégal composé de galets.

Mais c'est d'abord, bien sûr, à Marie Brassard que revient le vaste défi d'habiter la scène. Portant tout le texte pendant 1h45, elle trébuchait encore sur certains mots le soir de la première. Des imperfections qui devraient se corriger rapidement. Cette comédienne à la présence unique rendait déjà avec toute une palette de nuances la couleur de ses trois rôles: la douleur et l'incompréhension de la jeune fille, au débit rempli d'urgence, la sensualité camouflant une blessure exacerbée de la femme trompée, le ton apaisé de l'amante qui sait qu'elle va mourir.

L'interprète se transforme sous nos yeux, notamment grâce aux costumes de Renée April, qui proposent des images fortes en noir, rouge et blanc. Le clou du spectacle sera ainsi de voir Marie Brassard se draper lentement et cérémonieusement dans un magnifique kimono. Bref, c'est à un petit pan de culture japonaise qu'on a droit sur la scène de l'Usine C.

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Collaboratrice du Devoir

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