Théâtre - Guérir par le rire

En fin de saison, voilà que le Trident s'offre une des plus grandes comédies de Molière. Pour son dernier spectacle à la barre du théâtre de la capitale nationale, Marie-Thérèse Fortin a donc opté pour Le Malade imaginaire dans une mise en scène de Bertrand Alain et avec Jacques Leblanc dans le rôle d'Argan. Un clin d'oeil (elle avait amorcé son directorat avec Les Femmes savantes) mais surtout un véritable cadeau à l'intention du public de Québec.

Le risque n'est pas de seulement divertir avec Molière mais aussi de rendre sur scène toute la complexité d'un personnage tel Argan. Dans Le Malade imaginaire, l'homme dépense des fortunes pour se faire soigner sans craindre la moindre arnaque. Il va même jusqu'à vouloir marier sa propre fille, Angélique, avec un médecin.

Seul problème, elle est déjà amoureuse d'un autre. C'est avec la complicité de la servante, Toinette, qu'elle tentera de faire changer d'idée à son père. Parallèlement, l'épouse prépare aussi des plans de son côté.

Loin d'être uniquement une satire à propos de la médecine, la comédie met en présence d'un individu solitaire à la recherche d'un peu d'affection de la part de son entourage. Au bout d'une certaine vieillesse, Argan s'enlise dans sa propre naïveté. Dans la deuxième partie, son frère tentera de le rendre plus lucide par rapport à la science, parfois corrompue, des médecins. La servante Toinette y ira même d'un numéro des plus savoureux où l'exagération révèle une certaine part de vérité. Jusqu'à la fin, le public veut savoir ce qui arrivera à ce père bougon et enfantin.

Avec une approche théâtrale plutôt sage, Bertrand Alain invite à découvrir un Molière assez classique. Au début, un jeu d'ombres fort intéressant laissait toutefois présager quelque chose d'autre. Il y a certaines références aux comédies musicales, de même que quelques astuces, mais toujours avec une grande retenue. D'ailleurs, les décors, les costumes et le jeu restent plutôt fidèles à l'esprit du théâtre classique de Molière.

Dans le rôle principal, Jacques Leblanc impressionne à maintes reprises. On retrouve un comédien à la hauteur de son talent. Linda Laplante incarne aussi une Toinette qui retient l'attention du spectateur. De plus, une mention toute spéciale à Christian Michaud et Fabien Cloutier,

qui se distinguent sans cesse parmi les jeunes interprètes de Québec.

On regrette parfois le côté austère des décors ou encore une musique un peu superficielle dans un pareil contexte. Malgré tout, ce spectacle, qui brille par la présence de Jacques Leblanc à son aise chez Molière, risque de connaître un énorme succès.

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