Théâtre - Y a-t-il un âge pour les contes?

***
Santiago - Sur la route de Compostelle
Texte: Hélène Robitaille. Mise en scène: Philippe Soldevila. Une production du Théâtre Sortie de Secours présentée au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 2 février.
***
En citant l'auteur Paulo Coelho dans le bref texte qu'elle signe dans le programme de la soirée, Marie-Thérèse Fortin, directrice artistique du Théâtre d'Aujourd'hui, donne un très bon indice sur la nature de la production qu'elle accueille en ce moment entre ses murs. En effet, dans la couleur de l'étoffe comme dans le tissage de l'intrigue, le Santiago que signent Hélène Robitaille et le metteur en scène Philippe Soldevila nous rappelle les périples initiatiques nés de la plume du Brésilien qui, en plus de son énorme succès L'Alchimiste, a lui-même déjà écrit son propre Pèlerin de Compostelle. Créé à Québec en mars dernier, Santiago - Sur la route de Compostelle initie le «Cycle d'Or» du Théâtre Sortie de secours (Le miel est plus doux que le sang), qui fête son 18e anniversaire sur les routes moyenâgeuses menant au salut et à la rédemption.
Cette production bénéficie du talent et du travail de deux très bons comédiens, éléments les plus solides de la distribution, qui procurent un peu de mystère et de profondeur à ces rôles. En brigand tourmenté par son passé, Frédérick Bouffard ajoute bien dans son jeu quelques pointes de bestialité à un judicieux sens de la retenue qui entretient quelques zones d'ombre intéressantes chez son personnage. Un bel exploit lorsqu'on tient compte du fait que le récit nous donne à voir en long et en large les démons qui habitent ce dernier. De son côté, l'excellent Réjean Vallée nous fait vite comprendre qu'Ambrosio, sous ses allures paternelles, cache bien des fautes et que ses motivations ne sont pas nécessairement très catholiques.
Pour recréer ce Moyen Âge où phénomènes naturels et petits gestes prennent parfois des allures mystiques, Soldevila compte notamment sur une équipe de concepteurs au diapason. La bande-son de Pascal Robitaille, mélange de musique d'un autre temps et d'effets sonores évocateurs, se marie bien aux éclairages de Christian Fontaine pour suggérer la coexistence du terrestre et du magique. La galerie de costumes dessinés par Erica Schmitz, où le cuir et la fourrure évoquent les longs voyages, regorge également de richesses.
Si ce travail de grande qualité rend crédible l'atmosphère fantasmagorique du conte, la distance créée par ces effets, combinée aux personnages archétypaux et à la progression plutôt convenue de l'histoire, fait de Santiago une surface lisse sur laquelle le spectateur n'a plus grand-chose à projeter. De là le souvenir des livres de Coelho: tout est exposé en termes si clairs et si charmants que l'intellect comme les sens en ressortent plus confortés qu'ébranlés.
Collaborateur du Devoir