Répertoire, adaptations de roman, pièces étrangères promettent de nous divertir et de nous dépayser cet hiver. Et ce n'est pas le choix qui manque. Beckett, Camus, Ionesco, Vercors, Cocteau, Poe, Andersen, Dumas père et Goldoni font partie des auteurs connus dont on ravive les univers cet hiver. Qu'on se le dise cependant, on ne remontera pas plus loin dans le temps.

On s'en tire toutefois un peu mieux sur le plan géographique puisque, outre le sempiternel voyage aux États-Unis et en Europe de l'Ouest, de petits détours sont prévus en Norvège (Lygre), en Suède (Mankell) et en Hongrie (Karpati).

Les gros canons

La fin de janvier met au menu Camus et Dumas père. Les deux spectacles sont joués dans l'est de Montréal. À la salle Denise-Pelletier, André Melançon tentera de répéter le succès de La Promesse de l'aube avec Les Justes, fable idéaliste sur l'engagement de l'auteur de Caligula qui se déroule dans le milieu anarchiste russe peu avant la Révolution. À la toute fin de janvier, Hugo Bélanger (Le Baron Münchausen et La Princesse Turandot) s'attaque aux Trois Mousquetaires de Dumas père à la salle Fred-Barry, matière dont son théâtre très corporel saura certainement s'accommoder.

La mi-février annonce le retour de Beckett. Le metteur en scène Jean-Marie Papapietro, dont le spectacle Histoire de Marie reprend du service à l'Usine C du 4 au 8 mars, a assemblé trois courtes pièces de l'auteur d'En attendant Godot sous le titre de Beckett pour tous. Ce spectacle tournera dans les maisons de la culture de la métropole. Il s'agit d'une belle occasion d'observer — pour pas cher — le travail d'acteurs aussi raffinés que Paul Savoie et Ginette Morin. Parallèlement, deux troupes de la relève vont aussi vers le passé à la fin de février. Des finissants du collège Lionel-Groulx s'inspirent des contes d'Andersen pour créer Comme vous avez changé à la salle Fred-Barry, sous la direction de Ghyslain Filion, tandis que Renaud Paradis et René-Daniel Dubois jouent dans une adaptation du roman de Vercors dénonçant le nazisme, Le Silence de la mer, au Théâtre La Chapelle, dès le 22 février.

Personnalités multiples

Il y en aura pour tous les goûts en mars. Avec Le Bel Indifférent, Mario Borges, du Théâtre du Boléro, remet Cocteau au goût du jour. Les représentations débutent le 19 mars à la Balustrade, la minuscule salle du Monument-National. Les amateurs de romans gothiques opteront plutôt pour l'adaptation du Dr Jekyll et M. Hyde que nous servira l'hyperactif Jean-Guy Legault au Théâtre Denise-Pelletier à compter du 26 mars. Dans le rôle-titre, on retrouvera Luc Bourgeois, acteur transformiste s'il en est. Finalement, Blasté n'est peut-être pas encore un classique, mais c'est une pièce diablement jouée de par le monde. Normal, au fond, que Brigitte Haentjens se confronte au théâtre de la Britannique Sarah Kane, étant donné que la metteure en scène dissèque la folie au féminin depuis des années. C'est l'occasion ou jamais de voir Roy Dupuis sur scène, lui qui n'y a pas joué depuis des lustres. Les intéressés se donneront rendez-vous à l'Usine C le 18 mars.

Avril permettra au public de renouer avec Goldoni, Ionesco et Peter Shaeffer. De ce dernier, on ressort l'éternel Equus, qui terminera la saison de la compagnie Jean-Duceppe. Plus tôt, l'Absolu-Théâtre remet en selle le Macbett d'Ionesco au Prospero à partir du 1er avril. Je miserais pourtant davantage sur L'Imprésario de Smyrne, dont le TNM a confié la mise en scène à Carl Béchard. Profitons-en: il est rare que le Nouveau Monde nous offre une pièce moins connue d'un grand auteur plutôt que de s'en tenir à ce que nous avons vu mille fois. De mon côté, je me régale à l'avance à la perspective d'admirer dans ce Goldoni trois actrices au sommet de leur art, Sylvie Drapeau, Pascale Monpetit et Sophie Cadieux!

Des pointes vers l'inconnu

La dramaturgie de nos voisins du Sud recevra de nouveau une attention bien spéciale cet hiver. D'une part, l'Opsis poursuit son cycle américain avec une trilogie intitulée Familles made in USA, qu'accueille l'Espace libre en février. D'autre part, Duceppe ne manque pas de programmer une fois de plus une comédie de Neil Simon (Les Sunshine Boys) dès le 27 février. Au Rideau vert, madame Filiatrault terminera en mai sa saison avec une comédie musicale (Sweet Charity) dont le livret est aussi signé par... Neil Simon. Il revient cependant à La Licorne de mettre à l'affiche, dès le 8 avril, la pièce américaine la plus attendue. J'ai bien hâte, en effet, d'assister à la première d'Autobahn, de Neil LaBute, production du Théâtre de la Banquette arrière, qui n'a jamais si bien porté son nom. Le metteur en scène invité par cette troupe est Martin Faucher. À lui de rendre vraisemblable cette pièce qui se déroule sur une autoroute!

Cristian Popescu (Une nuit arabe) poursuit son exploration du théâtre de l'écrivain allemand Roland Schimmelpfenning. Il s'intéresse cette fois à La Femme d'avant, qui sera présentée à la salle intime du Prospero du 12 février au 1er mars. Pour sa part, la rigoureuse Martine Beaulne nous fera découvrir un auteur hongrois qui s'est inspiré d'une très belle moralité du Moyen Âge (Everyman) afin de réfléchir sur la condition humaine au féminin. Toute femme débute le 18 mars à l'Espace Go. Le retour à Montréal du metteur en scène français Claude Régy (4 .48 Psychose) complète le volet européen de la programmation hivernale. Avec Homme sans but, l'homme de théâtre met en espace les mots de l'auteur norvégien Arne Lygre, un nouveau venu. À son habitude, il travaille avec des comédiens français de premier plan, comme Bulle Ogier ou Redjep Mitrovitsa. Homme sans but prend l'affiche de l'Usine C le 7 février.

Deux reprises de pièces étrangères sont également à souligner. Dès le 18 mars, le Groupe de la Veillée redonne Antilopes, pièce africaine du maître suédois du polar, Henning Mankell, tandis que La Licorne remet sur le métier Tête première, sorte de Howie the Rookie féminin, du 26 février au 29 mars. Là-dessus, à vous de voir qui vous avez envie de fréquenter au cours d'un hiver théâtral qui s'annonce chamarré!

Collaborateur du Devoir