Carole Fréchette est jouée au Liban

Beyrouth - Dans Le Collier d'Hélène, un de ses textes récents, la dramaturge québécoise Carole Fréchette parvient à saisir le mal de vivre du Liban de l'après-guerre, à travers un simple bijou perdu par une étrangère.

Créée à Damas la semaine dernière, cette pièce de théâtre a pris l'affiche cette semaine à Beyrouth dans une mise en scène de Nabil El Azan, Libanais installé à Paris depuis 25 ans. "Dès la première lecture, j'ai été ému par ce texte qui nous amène au coeur de la douleur libanaise, qui nous la fait toucher du doigt, sans dénoncer, justifier ou expliquer, raconte le metteur en scène. Je n'avais jamais vu cela."

Le Collier d'Hélène est un spectacle fort et poignant sur l'idée de perte et sur le deuil qu'elle appelle forcément. Au terme d'un voyage dans une ville qu'on devine être Beyrouth, une femme réalise qu'elle a égaré son collier, un collier de perles de plastique sans valeur mais auquel elle tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Pour retrouver ce collier évanescent, elle revient sur ses pas. Refaisant son voyage à l'envers, elle croise des gens qui ont perdu bien plus qu'un bijou: sur un chantier du centre-ville, détruit par les combats puis rasé par les promoteurs, un homme lui parle des maisons et des souvenirs partis en poussière; plus loin, une mère pleure son fils tué; un réfugié palestinien crie sa terre perdue, et avec elle tout espoir d'une vie meilleure pour ses enfants. "On ne peut plus vivre comme ça", hurle-t-il.

Alternant monologues et dialogues, Le Collier d'Hélène est joué en français et en arabe. Hélène, la Québécoise, est interprétée par une Française, Anne Benoît. Les autres comédiens sont libanais, palestinien et syrien. L'usage de deux langues est voulue par le metteur en scène et contribue à accroître le malentendu auquel se heurte l'étrangère à chacune de ses rencontres, une impression accentuée par l'utilisation d'une caméra vidéo qui dissocie le discours.

Carole Fréchette, qui a écrit sa pièce après un séjour d'un mois au Liban en compagnie d'écrivains francophones, jette sur le drame libanais un regard extérieur, dont elle connaît les limites: à défaut de pouvoir tout expliquer, elle aborde l'après-guerre par la voie du sentiment, du ressenti.

Le Collier d'Hélène ne se veut pas une métaphore de l'insensibilité occidentale face à la misère du monde. Venue à Beyrouth pour prendre part à un colloque, Hélène n'est "ni ignorante ni insensible. Elle est sans doute un peu naïve, admet Carole Fréchette, venue pour la première de sa pièce. Mais ce n'est pas une idiote. Son collier représente beaucoup pour elle. Ce n'est pas dérisoire".

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