Théâtre - Un outil efficace
C'est un événement capital qui revient chaque année depuis dix ans. Une sorte de poumon permettant au beau milieu tout entier de respirer un peu d'air frais. Mais c'est un truc auquel vous ne pourrez pas assister puisque les Fenêtres de la création théâtrale ne s'adressent pas au grand public: c'est en fait «une activité de formation artistique et de réseautage» réservée aux diffuseurs et aux praticiens du théâtre.
Mais pourquoi vous en parler alors? Parce qu'un événement comme celui-là permet au lecteur intéressé par le théâtre, mais ne faisant pas partie du milieu, de saisir un peu mieux comment les choses fonctionnent. Parce que les Fenêtres de la création théâtrale sont un outil mis sur pied au Théâtre de la Ville à Longueuil par Clothilde Cardinal en 1996; un outil qui fonctionne et qui joue un rôle important dans la diffusion du théâtre de création en région. Et comme on ne peut pas se permettre d'être contre la vertu...Complicité
La dixième édition des Fenêtres de la création théâtrale se déroule donc sur une période de deux jours, les dimanche et lundi 3 et 4 décembre, au Théâtre de la Ville. On y attend une centaine de participants d'ici et d'ailleurs (il s'agit d'une coproduction avec la Belgique), pour la plupart des artistes et des diffuseurs spécialisés en théâtre ou qui ratissent habituellement plus large; tous, ils auront l'occasion de voir des extraits de sept futures créations et de rencontrer les principaux artisans des productions qui sont là pour expliquer où leur projet en est rendu. Anne-Marie Provencher, la directrice du Théâtre de la Ville, raconte d'abord ce qui fait des Fenêtres... un événement unique.
«Contrairement à RIDEAU, par exemple, ou à Cinars, qui sont des marchés de spectacles de tous types et prêts à tourner, les Fenêtres se consacrent exclusivement au théâtre et veulent d'abord être un lieu de rencontres autour de la création. Les compagnies qui participent à l'événement sont là pour présenter leur projet; leur spectacle n'est jamais tout à fait terminé, il est parfois même à peine ébauché. Les Fenêtres accueillent des spectacles en gestation.»
Mais ce sont aussi des spectacles tout proches de l'éclosion: cinq des sept «amorces de spectacle» invitées aux Fenêtres l'an dernier ont déjà pris l'affiche depuis ce moment. Il s'agit de La Cadette, du Théâtre I.N.K., qu'on a pu voir au Théâtre d'Aujourd'hui en début de saison; de l'Histoire de Marie, du Théâtre de Fortune, présenté plus tôt à l'Usine C; de Monsieur Malaussène au théâtre, qui débute à peine chez Prospero; des Flaques, que le Théâtre des Bouches décousues vient de créer aux Coups de théâtre; et de Lucy, des Nuages en pantalon, que nos lecteurs de Québec ont pu voir en octobre. La directrice du Théâtre de la Ville souligne d'ailleurs que, pour être invités aux Fenêtres, les spectacles doivent déjà être en phase de production.
Concrètement, chacune des compagnies se voit accorder 75 minutes pour présenter son projet. «Ce sont parfois des balbutiements, poursuit Anne-Marie Provencher, parfois des productions presque prêtes. Le metteur en scène arrive souvent avec des maquettes de décor, des planches de costumes, des amorces de bandes son ou d'éclairages... et la compagnie présente ensuite un court extrait, parfois même une lecture, de la future production. Les diffuseurs se retrouvent ainsi au coeur de l'atelier de travail, au centre du projet artistique, et cela contribue, bien sûr, à élargir leurs horizons. Il y a dix ans, lorsque les Fenêtres ont vu le jour à l'initiative de Clothilde Cardinal, la plupart des diffuseurs en région n'avaient pas très souvent l'occasion de voir le processus de création d'aussi près. Avec les années, cela a contribué à créer une complicité entre eux et les artistes et à instaurer un climat de confiance dont tout le monde profite aujourd'hui.»
Un bilan
Cette année, le Théâtre I.N.K revient aux Fenêtres avec son projet le plus récent: Roche, papier, couteau... de Marilyn Perreault. Marie-Thérèse Fortin, du Théâtre d'Aujourd'hui, sera là avec Gervais Gaudreault, qui signera la mise en scène de Je suis d'un would be pays (prime à la création en 2005) de François Godin qui, lui, lira un extrait de son texte. Philippe Soldevilla et l'équipe du Théâtre Sortie de secours viendront faire le point sur Santiago d'Hélène Robitaille. Michel Nadeau, Jack Robitaille et d'autres membres de Niveau Parking préciseront le travail déjà fait sur Sans sang, une adaptation d'André Jean du roman d'Alessandro Baricco. Il faut ajouter à cela trois coproductions. Une réunissant le Théâtre Blanc de Québec et une série de compagnies belges, dont L'Envers du théâtre, qui travaillent sur Frank le garçon boucher de l'Irlandais Patrick McCabe; une autre entre le Théâtre la Rubrique de Jonquière et le Théâtre du Double Signe de Sherbrooke, qui répètent déjà Je ne pensais pas que ce serait sucré de Catherine Cyr; et une dernière qui regroupe le Théâtre de la Seizième (Vancouver), le Théâtre la Catapulte (Ottawa) et le Théâtre français de Toronto autour d'Apocalypse à Kamloops de Stephen Cloutier. Deux jours occupés en perspective...
Une fois lancée, Anne-Marie Provencher est intarissable lorsqu'elle parle des Fenêtres sur la création théâtrale, qu'elle connaissait déjà de l'autre côté du comptoir, du temps où elle s'occupait du volet Accueil à l'Espace libre. «C'est la dixième année de l'événement, qui a déjà pris plusieurs formes en mettant l'accent sur tel ou tel aspect du métier, comme le développement du public ou l'animation. Mais nous voulons profiter de cette édition pour dresser une sorte de bilan: est-ce que nous avons contribué à changer des choses depuis 1996? Lesquelles? Comment? Qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qu'on peut améliorer? Comme il y aura des états généraux du théâtre en 2007 et que la diffusion sera certainement un des sujets les plus discutés, nous voulons tout de suite en profiter pour redéfinir les besoins et les attentes avec tous nos partenaires.»
Si tout le monde fait ses devoirs aussi sérieusement, il faudra suivre de très près les prochains états généraux du théâtre...