Théâtre - Pour le plaisir

On a souvent tôt fait de qualifier la comédie de voie facile destinée à la conquête d'un large public. En effet, qui n'apprécie pas être amusé? Pourtant, faire rire est un art. Et pas des plus simples. Il faut éviter les écueils que sont la vulgarité, la facilité, le cabotinage et la stupidité pure et simple. Somme toute, peu d'élus y arrivent vraiment. Frédéric Blanchette et son équipe du Théâtre ni plus ni moins sont du nombre.

Pour faire une histoire courte

Texte et mise en scène: Frédéric Blanchette. Décor et costumes: Frédéric Blanchette, Denise Campeau, Jean-Claude Blanchette et Catherine-Anne Toupin. Avec Guillaume Champoux, Rose-Maïté Erkoreka, François Létourneau, Sébastien Rajotte, David Savard et Catherine-Anne Toupin. Présenté par le Théâtre ni plus ni moins à la Balustrade du Monument-National jusqu'au 26 octobre.

Le spectacle est constitué de neuf courtes pièces où défile une galerie de personnages colorés, tel ce comédien sans emploi qui se maquille le visage afin de passer pour un Noir et obtenir le rôle de Nelson Mandela, cet homme parfait qui sait tout de la musique classique, du vin, du tango et du deltaplane mais qui a pour seul défaut de n'avoir pas de sexe, cette adjointe administrative (à l'ère de la rectitude politique, on ne peut certes pas parler de secrétaire) qui, lors d'une fête costumée, lorgne du côté d'un plombier à l'allure virile jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'il ne s'agit pas d'un intellectuel déguisé en plombier mais d'un authentique spécialiste du tuyau, vêtement crasseux compris. Les deux heures et quelques que dure le spectacle s'envolent sans que l'auditoire les voie filer.

Notons que les comédiens sont tous très convaincants. Dynamiques sans en faire trop, ils ont de la présence, de l'énergie et du rythme. La mise en scène que Frédéric Blanchette fait de ses propres textes les encadre de belle façon. Quant aux textes, si la plupart d'entre eux sont d'un comique indéniable, quelques-uns tombent tout de même à plat. C'est le cas d'Intermède, de Chez le psy et de Radio. Dans le cas de ce dernier tableau, qui met en scène un animateur de la «radio des hits» qui se révèle en fait un intellectuel épris de peinture, il manque tout juste un je-ne-sais-quoi, peut-être un dénouement qui donnerait tout son sens à la scène. Car la radio étant ce qu'elle est, montrer un animateur qui ne dit rien d'autre que «hit», «chaud» et «yes» sur un ton faussement langoureux n'a rien de caricatural. Cela se rapproche plutôt du portrait honnête.

Par contre, les textes Le Bulbe, Gilles, Dans un stade et Party costumé sont d'un mordant irrésistible. Ils affichent un équilibre parfait entre absurde et réalisme, ce qui crée un étonnement sans cesse renouvelé chez le spectateur. Fantaisie, intelligence et plaisir ont nourri l'écriture de ces textes qui n'auraient sans doute pas été les mêmes s'ils n'avaient pas été confiés à des acteurs aussi doués. Bref, Pour faire une histoire courte n'est certainement pas appelé à véhiculer une réflexion profonde sur quelque sujet que ce soit, mais il serait fort dommage de ne pas se laisser aller à ce plaisir si sain qu'est le rire, surtout lorsqu'il est suscité de si belle manière.

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