Théâtre - Chez les clowns
On se rappelle de Mammouth et Maggie, ce duo inspiré où Jacques Laroche et Véronika Makdissi-Warren nous emmenaient dans le monde fantaisiste des clowns de théâtre. Avec King Lear contre-attaque, on retrouve de nouveau cette même ferveur grâce à un jeu qui puise amplement dans l'art du mime de Lecoq. Plus qu'un simple laboratoire, Les Productions Préhistoriques ouvrent la saison de Premier Acte avec un spectacle où le rire sonne vrai.
Dans la petite salle Bleue du Périscope, on est toujours aussi coincé. Il faut néanmoins aller voir cette troupe de zigotos qui s'amuse comme des fous tout au long de cette escapade en territoire shakespearien. Il sont six sur une scène complètement dépouillée. Commence alors un travail collectif où on s'approprie les grandes lignes d'Othello, du Roi Lear et d'Hamlet. En ouverture, Véronika Makdissi-Warren dirige une chorale plutôt inusitée. On penche pour King Lear, mais c'est finalement une version très personnelle d'Othello qui s'amorce. Bien sûr, on demeure assez loin de la tragédie shakespearienne classique. Le ton affiche une liberté frénétique et parodique. On arrive à pervertir cette histoire de jalousie et d'innocence: Lear s'amène sous une tempête farfelue alors qu'Othello se tourne vers Desdémone pour lui faire subir les foudres d'une jalousie maladive. On s'échange même les rôles en cours de route. Toutefois, cela n'est qu'un simple prétexte pour mettre en avant un jeu qui défoule et divertit. On découvre une folie espiègle tout au long de cet exercice des plusstimulants.
Derrière ce spectacle en chantier, on devine le regard soucieux et observateur de Jacques Laroche. On l'imagine suivre de près les interprètes dans ce chassé-croisé où le plaisir reste toujours le seul but à atteindre. Chacun participe avec autant d'enthousiasme dans cette virée naïve qui n'a rien de facile. Au contraire, c'est l'exigence soutenue des six comédiens qui fait de ce travail une réussite de taille. Comment alors jumeler Othello, Le Roi Lear et Hamlet? Dans sa mise en scène, Laroche utilise l'improvisation comme moyen de déconstruire la forme parfois trop littéraire. Il ne s'agit donc pas d'un collage de textes de Shakespeare mais bien d'un langage théâtral qui résume l'action et l'esprit des pièces du grand Will. Tout cela ficelé de manière à surprendre, à éblouir, mais surtout à faire rire la salle. Un laboratoire qui possède déjà les prémisses d'une grande relecture cocasse du répertoire shakespearien. Le pire, c'est que cela ne tieànt l'affiche que pour dix représentations consécutives. Alors, faites vite, sinon il sera déjà trop tard!