Musique classique - Des légendes sur DVD

Des débuts de la télévision à 1990, trente-neuf productions différentes de La Bohème de Puccini ont été filmées et diffusées à la télévision dans divers pays. Il en va ainsi pour tous les grands opéras. S'est ainsi constitué un vivier impressionnant pour qui veut profiter aujourd'hui de l'élan du marché du DVD face au CD déclinant. Après avoir retenu les vannes durant des années, Universal déverse littéralement sur le marché les films réalisés par la maison de production Unitel. Arthaus a créé une collection, «j», rééditant notamment des spectacles du Festival de Glyndebourne des années 70 et 80. Quant à l'étiquette VAI, les archives sont sa raison d'être.

C'est chez VAI que l'on trouve le premier d'une série de DVD des grands concerts du Festival de Lanaudière. Il s'agit de celui donné le 18 juillet 1998 par Dmitri Hvorostovski et Charles Dutoit. Au programme: Chants et danses de la mort, de Moussorgski, dans l'orchestration de Chostakovitch, trois airs de Verdi, Largo la factotum du Barbier de Séville et la fameuse mélodie Les Yeux noirs. C'est l'excellent concert d'un baryton en grande forme, qui n'est pas un monstre d'expressivité (Verdi!) mais utilise ses prodigieux moyens pour délivrer un chant puissant, lié et juste. Le DVD, bénéficiant d'une remarquable réalisation visuelle, nous prive (pourquoi?) de la partie symphonique du spectacle, éludant complètement le Chostakovitch d'entrée et limitant les Pins de Rome de Respighi au seul dernier mouvement, stupidement intercalé au milieu.

Il n'y a hélas rien à vous conseiller dans la série «j» d'Arthaus: ce ne sont ni des archives, ni des légendes, mais des spectacles surannés, souvent mal éclairés et mal enregistrés. Aucun DVD, pas davantage L'Enlèvement au sérail de Mozart par Gustav Kuhn en 1980 que les parutions précédentes, ne justifie musicalement de supporter une telle moins-value technique. Il en va tout autrement avec Un bal masqué de Verdi (version «suédoise») à Salzbourg en 1990, reprise d'un spectacle que Georg Solti avait repris in extremis en 1989 à la mort de Herbert von Karajan. C'est une soirée magique, grâce à des incarnations exceptionnelles: Domingo en Gustav III, Nucci en Renato, Barstow en Amelia et Quivar en Ulrica. Cette légende est rendue inaltérable par TDK.

Universal publie cinq nouveaux films Unitel. Une piste sonore DTS 5.1 a été artificiellement rajoutée à ces bandes analogiques et dilue leur impact: écoutez-les plutôt en stéréo. On réservera les films grandiloquents, aux couleurs hideuses et au «master» vidéo abîmé, de Zeffirelli sur Cavalleria Rusticana et Paillasse aux admirateurs du genre. Par contre, la Tosca filmée par Gianfranco De Bosio en décors naturels sur les lieux mêmes de l'action, avec Kabaïvanska, Domingo et Milnes dirigés par Bartoletti (1976, à ne pas confondre avec la version Mehta dans le même cadre), est une très grande réussite musicale et visuelle, dans une veine réaliste, mais crédible.

Restent trois films légendaires mis en scène par Jean-Pierre Ponnelle, trésors d'invention visuelle et de vrai théâtre — ah! l'horizon immuable sur Un bel di, vedremo de Madame Butterfly ou le premier air de Cherubino des Noces qui se déroule d'abord dans sa tête! Les Noces de Figaro (Fischer-Dieskau, Prey, Freni, TeKanawa, Böhm), Le Barbier de Séville (Prey, Berganza, Alva, Abbado) et Madame Butterfly (Freni, Domingo, Karajan) portent leur trente ans d'âge (cf. le hiatus sonore entre récitatifs et airs dans les Noces) et le play-back, surtout celui de Freni, peut gêner. Mais ces grandes performances musicales immortalisées en vidéo avec un luxe de moyens font justement partie des légendes de la musique filmée.

Nos priorités

Tosca (DG), Un bal masqué (TDK), Madame Butterfly (DG), Les Noces de Figaro (DG)

À voir en vidéo