Pop - Retour des Dears à Montréal

L'eau a coulé rapidement sous les ponts enjambés par la formation montréalaise The Dears depuis deux ans. Il y a deux ans, le groupe lançait son épique et inépuisable No Cities Left, avant de prendre une incessante route. Mardi prochain, il revient à Montréal, au Spectrum, pour terminer une tournée plus que réussie qui l'aura mené au Japon. Plus que tout, les Dears auront largement contribué à la réputation de Montréal comme plaque tournante de la pop dite sérieuse.

C'est un Martin Pelland fébrile à l'idée de revenir à la maison qui nous a contacté de l'aéroport JFK de New York, de retour d'Édimbourg. Depuis un an, le groupe du charismatique et ténébreux Murray Lightburn est retourné trois ou quatre fois en Europe; la dernière tournée a duré plus de trois mois. Le tout a commencé par une apparition au talk-show de Jonathan Ross, sur BBC1, le 29 avril. Après cette émission, les kilomètres se sont accumulés. Le groupe s'est pointé à Bergen, en Norvège — «le secret le mieux gardé de l'Europe, c'est de toute beauté», lance Pelland —, puis à Dublin, à Bruxelles, à Melbourne, à Paris, à Berlin, puis à Osaka et à Tokyo. «Au Japon, on a joué avec cinq autres bands canadiens: Stars, Broken Social Scene, Death From Above 1979, puis Metric. C'est une autre planète. Les gens sont vraiment curieux. Une belle expérience.» Puis ç'a été les États-Unis, puis la saison des festivals en Europe.

Forts de leur pop orchestrale, mélancolique et tourmentée, les Dears ont même pu monter sur scène avec une idole, eux qui ont décortiqué The Smiths au point de s'en être inspirés pour quelques passages, quelques phrasés, notamment sur Lost In The Plot, vers la toute fin de la pièce, quand Lightburn répète «I promise not to cry anymore». À Toronto et à Los Angeles, les Dears ont pu fraterniser avec nul autre que Morrissey; Pelland a raconté ailleurs que l'ex-Smiths a craqué pour eux. Morrissey aurait même demandé à son gérant de contacter le groupe montréalais.

Devant le succès, Pelland garde la tête froide. Le nom «The Dears» a été associé à l'attention médiatique toute spéciale que connaît Montréal depuis quelques années. Pelland précise que, sur la scène «indie», le nom du groupe circule, «bien qu'il reste du travail à faire». En règle générale, les groupes montréalais dont se sont épris les magazines américains «ont atteint un bon degré de visibilité», selon lui. «C'est possible maintenant de se faire voir ailleurs. L'arrivée d'Internet a dû faire une grosse différence. Les tounes se retrouvent sur Internet, les gens parlent des groupes sur leur chat et ils ne se fient plus qu'à leurs magazines pour les critiques. Montréal est cool, mais certainement d'autres vont arriver pour dire que c'est vieillot. La seule chose que tu peux contrôler, c'est ton intensité à faire un meilleur album. On ne peut se fier uniquement sur notre nom. La mode va sûrement arrêter.»

La scène de Montréal n'a pas nécessairement un son à elle, contrairement à Manchester et à Seattle jadis. «Je ne sais pas si Montréal a un son, mais je remarque que les groupes montréalais semblent vouloir prendre des risques avec leur musique. Je ne sais pas par contre si le fait d'être dans un territoire tellement commercial au niveau des radios et des magazines, ça ne fait pas en sorte qu'il y a des musiciens qui développent une attitude différente, où ils font leur propre affaire, ne cherchant pas à entrer dans ce monde safe, un peu pop. Avant de partir en tournée, j'ai vu The Arcade Fire et il y avait Guy A. Lepage et André Ménard, du jazz, dans la salle. Ce sont des gens influents, qui peuvent amener le monde à acheter des disques. Ça change.»

Fin septembre, les Dears entrent en studio, avec un bon lot de tounes testées en concert plus d'une fois. Le concert du Spectrum sera le dernier de la tournée No Cities Left.

Le Devoir

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