C’est parti pour les Francos

Sur la Scène Bell, FouKi a enfilé les refrains connus et accrocheurs devant un public de tous âges.
Marie-France Coallier Le Devoir Sur la Scène Bell, FouKi a enfilé les refrains connus et accrocheurs devant un public de tous âges.

On le ressentait hier soir en arpentant les rues du Quartier des spectacles, pour le coup d’envoi des 34es Francos. Les Montréalais avaient hâte d’entendre résonner la musique, d’aller découvrir des artistes et applaudir leurs favoris. De s’emplir la tête de notes, de changer d’air, de chasser les nuages de fumée, de voir un peu de lumière émanant des scènes. FouKi en a bénéficié : devant lui, plusieurs dizaines de milliers de fans enjoués — 30 000 ? 35 000 ? Cette foule avait presque l’allure des grands soirs de juillet au Festival international de Jazz de Montréal, quand les touristes abondent.

Le rappeur du « Plato Hess » avait trimbalé sa rampe de lancement en plein milieu de la grande scène, Place des Festivals, comme à la Place Bell en avril dernier, puis au Centre Vidéotron quelques semaines plus tard. À lui l’honneur de sonner le début des festivités francophones, ce qu’il a fait avec la bonhomie qu’on lui connaît, enfilant les refrains connus et accrocheurs devant ce public de tous âges. Avant lui sur la même grande scène (à 19 h), le jeune Fredz, qui remporte un succès au moins aussi grand en Europe francophone qu’ici avec son rap mélodique et sans prétention, chantonnait ses refrains devant un auditoire aussi détendu et hétéroclite.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Le rappeur Fredz sur la Scène Bell

Dans la rue, on se sentait déjà en été en ce jour inaugural de la saison des grands festivals montréalais. Replonger dans le bain de foule, l’occasion de se réapproprier le centre-ville en butinant d’une scène à l’autre, coupant à travers les files d’attente devant les bars et les comptoirs de street food. En chemin vers la messe rock de Gros Mené, on s’accroche les pieds au coin Sainte-Catherine et Jeanne-Mance, devant le musée fantôme : s’y produisait Andy S, notre découverte du jour.

« C’est mon premier concert à Montréal ! », échappe la jeune rappeuse de 25 ans, originaire d’Abidjan. Andy S dite « la Pépita », la pépite de la Côte d’Ivoire, arrive sur scène le couteau entre les dents. Tout à prouver à cette foule clairsemée, mais composée de fans de hip-hop à la recherche de nouveaux sons. Le sien, c’est du lourd. Dans la rythmique trap/drill hybride comme dans le texte, militant par sa posture : c’est elle, la meilleure, canarde-t-elle avec sa prosodie tranchante (« Le meilleur rappeur de Côte d’Ivoire est une rappeuse », est-il écrit sur son compte YouTube officiel, coiffé d’une photo de 2Pac !). Son énergie en impose, rugueuse et vitaminée. Des couleurs rythmiques et mélodiques de son pays d’origine s’immiscent dans son jeu lorsque le tempo s’emballe sur ces chansons inédites qu’elle a servies au public québécois.

À l’extrémité est du site, le petit parterre est bondé pour nos routiers du rock lourd, Gros Mené. Dans la foule se mélangent les parfums de la sauce à poutine et du pot alors que le quintette déballe son sac, qui en contiendra pour 90 bonnes minutes de prog-stoner rock. « Comment ça va, vous autres ? », demande Fred Fortin, officiant au chant et à la basse, observant peu après que la taille de la foule correspond à celle, combinée, de tous les spectacles qu’ils ont donnés ces dernières semaines, Gros Mené raclant la route des scènes alternatives de la province. Et rassasiant les fans : avec le temps, Gros Mené semble avoir trouvé le parfait équilibre entre pesanteur et raffinement, son rock révélant avec plus de finesse la complexité de ses structures mélodiques et rythmiques. Comme un bon vin prenant de l’âge…

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Le groupe Gros Mené sur la Scène Loto-Québec

Le temps de prendre des nouvelles d’un couple d’amis attendant son tour dans la file d’attente du bar, on poursuit notre périple d’une scène à l’autre. Dernière escale, le MTelus, pour la première du nouveau spectacle de Lost faisant office de lancement de l’album L’héritage paru en avril dernier.

Il y avait de l’ambiance au parterre du MTelus lorsque nous y avons mis les pieds, peu avant l’arrivée sur scène du MC membre du collectif 5Sang14. Mises en valeur par un petit orchestre composé d’un batteur, d’un guitariste et d’un maître des machines et séquenceurs, les chansons du récent album ont brillé aux Francos, alors que son auteur n’a eu besoin que d’une chanson pour mettre le public dans sa poche — c’est comme si les fans avaient appris par coeur en six semaines les rimes du rappeur pour les réciter avec lui.

Sans ses collègues du 5Sang14, Lost s’impose, la voix du rappeur s’accordant à sa carrure : impériale. Après quatre ou cinq chansons, il attire sur scène ses invités, à commencer par la chanteuse Tessita pour la cadencée CARIÑO, puis l’ami Shreez, d’autres attendant leur tour en coulisses pour leur faire aussi l’accolade. Solide spectacle.

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