Émile Bilodeau encore ciblé par des partisans de la loi 21

Les organisateurs de la fête nationale défendent leur décision d’avoir embauché le chanteur Émile Bilodeau pour présenter le concert du 23 juin sur les plaines d’Abraham, à Québec. Leur choix a soulevé cette semaine l’ire de militants pro-laïcité, insultés que le traditionnel spectacle de la Saint-Jean soit animé par cet artiste qui a pourfendu à plusieurs reprisesla Loi sur la laïcité de l’État.
« L’organisation de la fête nationale se fait dans l’impartialité, dans la non-partisanerie. Ça ne veut pas dire qu’on exclut les artistes qui ont un esprit partisan. Ça veut dire qu’on n'exclut pas de camp politique », souligne Frédéric Lapointe, le président du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ).
On aurait dû faire le choix d’un animateur plus rassembleur
Le MNQ, qui organise les célébrations de la Saint-Jean aux quatre coins du Québec, avait déjà invité Émile Bilodeau, en 2020, à venir chanter au spectacle télévisé de la fête nationale. Sans prévenir les organisateurs, il s’était présenté sur scène avec un macaron signifiant son désaccord avec la loi 21. Celle-ci, qui promulgue l’interdiction du port de signes religieux par les employés de l’État en situation d’autorité, avait été votée quelques mois plus tôt.
Pas assez rassembleur
Le Mouvement laïque québécois, farouche partisan de la loi 21, a toujours à travers la gorge ce coup d’éclat. Son président, Daniel Baril, a cru nécessaire d’écrire cette semaine au MNQ pour signifier son désaccord avec le retour d’Émile Bilodeau au spectacle de la Saint-Jean à titre d’animateur de la soirée. Il y voit un affront à la majorité de Québécois qui appuient une laïcité plus affirmée, rappelant que le chanteur ne s’est jamais gêné pour rapprocher la loi du gouvernement Legault au racisme.
« Il reste québécois et il a le droit d’exprimer ses opinions. Mais le spectacle de la fête nationale, ce n’est pas l’endroit pour ça. On aurait dû faire le choix d’un animateur plus rassembleur », a soutenu Daniel Baril en entrevue au Devoir.
Ce dernier se défend de faire dans la « culture du bannissement » en affirmant qu’Émile Bilodeau n’aurait jamais dû être approché pour animer le spectacle de la Saint-Jean sur les Plaines. « Ce n’est pas de la cancel culture. On ne demande pas au MNQ de le congédier. On ne s’attend pas non plus à ce qu’il le fasse. On fait juste dire que l’on n’est pas d’accord avec ce choix-là », précise le président du Mouvement laïque québécois.
Daniel Baril s’étonne que le MNQ, qui est ouvertement favorable à loi 21, ait jeté son dévolu sur Émile Bilodeau. Car en plus d’organiser les spectacles de la Saint-Jean, le Mouvement national des Québécois a en effet toujours été au fil de son histoire une organisation impliquée sur le terrain politique, se positionnant à maintes reprises pour la laïcité et la souveraineté. Mais le président du MNQ, Frédéric Lapointe, ne voit pas là une contradiction avec l’embauche d’Émile Bilodeau.
« Le MNQ participe aux débats de société, mais nous, on organise une fête pour l’ensemble des Québécois, de tous les bords politiques. Si on devait exiger des artistes qui participent à l’un de nos 500 spectacles une profession de foi envers toutes les positions qu’on a défendues à travers les années, on aurait quelques-unes de nos 500 scènes vides », explique Frédéric Lapointe.
Une Saint-Jean politique ?
Le président du MNQ dit toutefois vouloir dissuader Émile Bilodeau de faire un nouveau coup d’éclat politique cette année, comme celui de 2020.
Joint par Le Devoir, le chanteur confirme qu’il n’a pas l’intention de prendre position contre la loi 21 le 23 juin prochain. L’auteur-compositeur-interprète compte toutefois prendre position durant le spectacle contre l’entreprise Glencore, propriétaire de la fonderie Horne de Rouyn-Noranda, qui défraie la chronique depuis un an à cause des hauts taux d’arsenic qu’elle dégage.
« Nos ennemies, ce ne sont pas des femmes qui s’habillent autrement qui veulent travailler dans un domaine sous-valorisé. Ce sont les compagnies privées qui viennent ici, qui heurtent notre environnement et qui empoisonnent nos enfants », fait valoir Émile Bilodeau, qui n’a pas voulu répliquer au Mouvement laïque québécois pour ne pas donner de l’importance à ses critiques.
Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, a pour sa part jugé qu’« il n’est à [lui] de dire qui doit ou ne doit pas être à la Fête nationale du Québec ».
Le spectacle de la fête nationale sur les plaines d’Abraham aura lieu le 23 juin prochain. En plus d’Émile Bilodeau comme présentateur de la soirée, il mettra en vedette Laurence Jalbert, Patrick Norman, Louis-Jean Cormier et plusieurs autres artistes.
Avec Marco Bélair-Cirino