LABE achète le Club Soda

L’institution demeurera indépendante des grands groupes de l’industrie du spectacle, comme les anciens propriétaires le souhaitaient.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L’institution demeurera indépendante des grands groupes de l’industrie du spectacle, comme les anciens propriétaires le souhaitaient.

La « boîte culturelle » et maison de disques LABE a causé la surprise en annonçant jeudi matin avoir fait l’acquisition de la mythique salle Le Club Soda, sise boulevard Saint-Laurent, juste au sud de la rue Sainte-Catherine. Pouvant accueillir quelque 900 spectateurs, cette salle est la seule de cette taille dans le Quartier des spectacles, ce qui en fait un lieu privilégié pour accueillir les artistes de la scène musicale.

Comme le souhaitaient ses anciens propriétaires, cette institution inaugurée sur l’avenue du Parc en 1982 passe aux mains d’un producteur indépendant qui assure vouloir préserver sa mission première : le développement de nouveaux talents.

Au bout du fil, le nouveau propriétaire, Louis-Armand Bombardier, rayonnait : « Je reçois beaucoup de messages d’appui ce matin » de la part de différents acteurs de la scène musicale montréalaise rassurés par cette annonce. Depuis plusieurs années, le mot courait dans le milieu que d’importants groupes manifestaient leur intérêt pour cette salle installée depuis 2000 au Quartier des spectacles. Le tandem de propriétaires, Michel Sabourin et Rubin Fogel, a toujours jalousement protégé l’indépendance de la salle.

En entrevue avec Le Devoir, Michel Sabourin affirme ne pas avoir reçu d’offre de la part du Groupe CH/Evenko, qui exploite déjà le MTelus au coin de la rue, le StudioTD plus à l’ouest, le Centre Bell ainsi que le théâtre Corona, dans le quartier Saint-Henri. « Mais dès le départ, LABE me semblait être une entreprise solide qui a su se diversifier — j’aime son approche horizontale, sur le plan de la création et de la production. Louis-Armand m’a bien expliqué sa vision, et il était clair qu’il voulait maintenir la vocation des lieux et les garder accessibles aux jeunes artistes et aux artistes en développement. »

Le Club Soda demeurera ainsi indépendant des grands groupes de l’industrie du spectacle. « C’était notre volonté, à Michel Sabourin et moi », reconnaît Bombardier, également propriétaire de la petite salle Le Ministère (250 places), qui a aussi pignon sur le boulevard, mais au nord de l’avenue du Mont-Royal. « Je suis tellement content d’avoir réussi à le convaincre [de me céder le Club Soda], ça a pris du temps, on a connu des montagnes russes, mais on est heureux de s’établir dans le Quartier des spectacles. » Le nouveau propriétaire n’a pas souhaité dévoiler le montant de la transaction, qui s’est conclue dans les derniers jours.

Les discussions avaient été amorcées il y a déjà cinq ans, mais « la pandémie nous est tombée dessus, on a été très occupés. De son côté, Michel a pris son bâton de pèlerin pour aller voir les gouvernements afin qu’ils viennent en aide aux salles indépendantes, il a contribué à faire en sorte que cette aide soit accordée », à titre de porte-parole de l’Association des salles de spectacle indépendantes du Québec.

Par communiqué de presse, Michel Sabourin et Rubin Fogel ont déclaré que « c’est avec un pincement au coeur et non sans tristesse que nous avons décidé de nous départir, après un mariage qui aura duré près de quarante années, d’un lieu iconique, devenu une véritable institution montréalaise ».

Ça a pris du temps, on a connu des montagnes russes, mais on est heureux de s’établir dans le Quartier des spectacles 

« Ce qui rend unique Le Club Soda, ajoute Sabourin, c’est d’une part son accessibilité, en plein centre-ville, mais aussi l’accueil. Lorsque le public vient au Soda, il sent qu’il fait partie du spectacle. On travaille pour le public, et c’est grâce à lui qu’on a duré. »

Les nouveaux propriétaires n’entendent pas bouleverser la structure de l’entreprise qu’ils viennent d’acquérir. « Tous les employés en place », la dizaine de permanents et la quinzaine de contractuels, « demeureront en place », assure Bombardier. L’édifice accueille également les bureaux d’autres entrepreneurs culturels, dont la maison de disques Stomp Records et l’agence de spectacle Preste.

Bon an mal an, la salle est louée près de 250 jours par année : « Il y a certainement de la place à amélioration au niveau du développement », entrevoit Louis-Armand Bombardier (par ailleurs petit-fils du célèbre entrepreneur et inventeur du Ski-doo, Joseph-Armand). Et de souligner qu’il est hors de question de rebaptiser la salle pour lui accoler le nom d’un potentiel commanditaire. « Avec moi, ça n’arrivera pas. Cette salle, comme celle du Ministère, gardera son nom et demeurera indépendante. »

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