Les collaborations idéales de Félix Petit

Qui ça, Félix Petit ? Le seul et unique. Félix Petit, l’arme secrète des Louanges, d’Hubert Lenoir et de Laurence-Anne, pour ne nommer que ces brillants représentants de la nouvelle chanson québécoise. Compositeur, saxophoniste, réalisateur, heureux en studio comme un chat dans une boîte en carton, bien qu’il dise aussi apprécier « vivre le moment » sur scène, ce qu’il fera le 16 juin aux côtés des Louanges aux Francos, puis le 7 juillet au Festival international de jazz de Montréal (FIJM). Il donnera alors vie aux compositions nouvelles de HELP, premier album complet de son projet jazz-électro-expérimental FELP qui paraîtra vendredi prochain sur l’étiquette Bonsound.
« Je suis chanceux : on me propose des projets, j’ai ensuite le luxe de choisir de travailler avec les artistes que j’adore, ceux dont j’aime la plume, ceux dont les chansons vibrent. C’est mon privilège », affirme Félix Petit, qui nous donnait rendez-vous sur une terrasse du Mile-End.
Lunettes teintées, chemise échancrée, sourire franc, voix douce, Petit est sans doute un excellent musicien, mais il suffit de passer quelques minutes en sa compagnie pour comprendre qu’il est d’abord un type vraiment cool. Une vraie tête de musique, bourrée de bonnes et audacieuses idées, qui en plus a ce tempérament désarmant de simplicité propre à calmer les auteurs-compositeurs-interprètes les plus susceptibles d’être rongés par le doute en enregistrant leur album. Un collaborateur idéal, en somme.
Ils sont nombreux sur la scène musicale québécoise à avoir eu recours à ses conseils et à ne pas s’être fait prier pour participer à l’enregistrement de son ovni musical intitulé HELP : Klô Pelgag posant sa voix sur le funk-jazz claudiquant de Babyfoot, Laurence-Anne transformée en vaporeuse diva électro-pop sur Dino, Greg Beaudin et Hawa B en duo sur la rythmique rap déconstruite de l’extrait Brokest Rapper You Know et Hubert Lenoir se la jouant aussi MC sur F.I.N.I. en début d’album.
« Ce disque, j’avais d’abord envie de le faire pour m’amuser, explique Petit. Travailler avec les structures de chansons farfelues que j’avais en tête. Faire des tounes à partir de rien : juste d’un petit loop, d’un bout de reverb d’un machin qu’on place à côté, créer une chanson à partir de ça. Et faire des trucs que je ne fais pas d’habitude en studio, explorer d’autres manières de réaliser un enregistrement. »
« Souvent, ce qui est intéressant dans une chanson, c’est l’idée farfelue en arrière », ajoute le musicien. HELP est un champ d’idées qui volent dans toutes les directions, pop d’avant-garde, néo-R&B, jazz dans le souffle des cuivres, électronique dans ses sons de basse caoutchouteux, mais qui garde un cap, une ligne directrice, estime Félix Petit.
« Faut pas se sentir mal de sauter des moments sur l’album. Il y a des trucs qu’on va aimer, d’autres moins », croit-il en décrivant son oeuvre comme du « groove nouveau, un peu comme ce qu’on remarque dans la nouvelle pop américaine, mais plus à gauche. C’est… expérimental ».
Comme le sont les meilleurs ragoûts d’influences musicales. Petit cite des vieux albums d’électro obscurs, la démarche de Brian Eno (« Ce gars-là a une telle manière de sculpter le son ! »), la redécouverte de l’ultime album de Gil Scott-Heron (I’m New Here, 2010, puis sa version remixée par Jamie xx parue l’année suivante) et l’approche jazz–hip-hop–électro novatrice d’un Flying Lotus, sans doute l’influence la plus apparente sur HELP. « Son album Los Angeles [2008], j’ai dû en racheter une deuxième copie en vinyle tellement je l’ai écouté… »
Originaire de Besançon, en bordure de la Suisse, Félix Petit a quitté la Franche-Comté à 18 ans pour aller étudier le saxophone jazz à l’Université de Montréal. « Un programme de fou », donné notamment par les professeurs Simon Stone et Dany Roy. Son réseau de collaborateurs se tisse durant ses années formatrices en compagnie du compositeur et pianiste Jérôme Beaulieu (Misc), du batteur William Côté, du bassiste Jérémi Roy, de la chanteuse Émilie (Em) Pompa, qu’on entend sur la chanson Hand’s Up. Ensemble, ils formeront trois projets pas si distincts les uns des autres : Bellflower (quatre albums au compteur), Chienvoler (un album) et FELP, qui a accouché de deux EP, le dernier ayant été lancé il y a cinq ans.
Au FIJM, le 7 juillet, nous assisterons sur scène aux retrouvailles de toutes ces amitiés musicales, nous dit un Félix emballé . « Tout le monde va être là », les musiciens, Klô, Laurence-Anne, Hubert, Greg, Em, la chanteuse Hawa B (qui mijote un mini-album réalisé par Félix), « moi au saxophone, aux synthés et au MPC [un séquenceur], sans trop de séquences préprogrammées. Dans le groupe d’Hubert, on ne joue pas avec les séquences non plus — on n’aime pas trop les ordinateurs en concert, on n’a pas assez confiance en eux et, surtout, on a envie de vivre le moment, tous ensemble, à jouer des instruments. L’album est assez court, alors, après l’avoir joué, on fera de vieux trucs des premiers EP et de Chienvoler, pour faire plaisir aux anciens qui connaissent ».