Karen Gomyo se rappelle à notre bon souvenir

Karen Gomyo et Nicholas Carter
Sylvain Légaré Karen Gomyo et Nicholas Carter

L’Orchestre Métropolitain reçoit cette semaine un chef invité australien, Nicholas Carter, qui dirigera ce même programme à la Maison symphonique ce vendredi. Le concert se démarque par le retour bienvenu à Montréal de Karen Gomyo, violoniste canadienne un peu oubliée ces derniers temps.

Nous avons anticipé l’écoute de ce programme en arrondissement, dans une église sur la rue Masson, en raison de la pléthore de concerts programmés par ailleurs ce vendredi : Arion avec Julien Chauvin, l’intégrale Berio du Quatuor Molinari et la suite du projet Star Wars de l’Orchestre FILMharmonique. Si vous optez pour le Métropolitain, sachez que ce sera principalement pour la soliste.

Manque de « feeling »

Petite déconvenue d’emblée, puisque Nicholas Carter débite sa présentation du programme en anglais. Certes, on ne va pas exiger de tous les natifs du Commonwealth qu’ils maîtrisent notre langue avec autant de tact et d’élégance qu’Alexander Shelley, mais lorsque l’individu prétend dans son laïus, comme Carter, qu’il a appris le français à l’école, la moindre des courtoisies serait, ici, de débuter le discours par « Bonsoir, mesdames et messieurs. C’est hélas tout ce que j’ai retenu de mes cours de français à l’école, so I will continue in English… » Tout le monde comprendrait et accepterait.

Comme chef mozartien, Nicholas Carter a heureusement davantage de tact. L’acoustique de l’église ne permet, hélas, pas de jauger à quel point l’articulation de son Mozart est aiguisée, mais les transitions entre épisodes aux tempos contrastés se font avec alacrité et réactivité. Carter donne beaucoup de tenue à son Mozart ; les sonorités émaciées, ce ne sont pas trop son genre.

Entre ensuite en scène Karen Gomyo pour le Concerto pour violon de Glazounov, oeuvre plaisante et colorée que l’on entend relativement peu par rapport à sa facilité d’accès. Elle n’en reste pas moins liée, à Montréal, de manière indélébile, à une des fantaisies programmatiques les plus invraisemblables de Kent Nagano durant son mandat : le couplage du Concerto pour violon de Glazounov et de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen. Ce fut le second concert de l’histoire de la Maison symphonique. Plus impossible que ça, c’est… impossible.

C’était Joshua Bell qui avait joué cette partition charmante à l’époque et Karen Gomyo n’a rien à lui envier en maîtrise technique, chaleur de sonorité, richesse de la corde de sol (le grave du violon, très sollicité par ce concerto). Un zeste de hargne fait défaut dans la dernière partie du Finale, mais c’est négligeable, et à la Maison symphonique, cela passera sans doute très bien. L’orchestre aura simplement à ajuster sa compréhension de la pulsation au début de la deuxième section, où divers pupitres ont marché en ordre dispersé pendant quelques mesures.

Chef d’opéra

Ayant changé de place dans l’église pour Pétrouchka afin d’avoir un son orchestral plus précis, quitte à encaisser un certain déséquilibre, nous avons compris que l’orchestre n’était probablement pour rien dans le petit décalage du milieu du Glazounov. C’est que Nicholas Carter, invité de l’Orchestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, avec lequel il partage là même agence, n’est pas forcément une flèche.

Le chef qui a été assistant de sa compatriote Simone Young, puis a travaillé à l’Opéra de Berlin aux côtés de Donald Runnicles, a dirigé l’Opéra de Klagenfurt et est présentement chef principal de l’Opéra de Bern en Suisse. Nous n’avons aucun doute qu’avec une telle expérience emmagasinée au fil des ans, il est devenu un chef d’opéra pertinent, mais son Pétrouchka ne nous a pas convaincus qu’il était un éminent chef symphonique.

Nicholas Carter dirige des « caractères généraux » expressifs du ballet, plutôt qu’il n’en démonte la mécanique pour mieux dominer et propulser l’ensemble. Peut-être quelqu’un au service artistique de l’OM aurait aussi pu dire au jeune homme que c’était un tout petit peu téméraire de se présenter à Montréal dans une partition fétiche de notre vie musicale, y compris largement à l’exportation, qui relie Charles Dutoit et Kent Nagano.

En tout cas, on a bien anticipé les emballements par les coups de talon du pied gauche du chef, mais, quant à nous, il manquait quelques gestes d’entrées instrumentales que l’orchestre a souvent formidablement compensés. Quant à ce qu’on entendait, c’était très honorable. Mais maintenant qu’on a vu la proposition-type de chef masculin invité de l’OM, on peut finalement revenir aux femmes en surnombre militant.

Plus grand que nature

Mozart : Extraits de la musique de ballet d’Idoménée. Glazounov : Concerto pour violon. Stravinsky : Pétrouchka (version 1947). Karen Gomyo (violon), Orchestre Métropolitain, Nicholas Carter. Église Saint-Esprit-de Rosemont, jeudi 18 mai. Reprise ce vendredi 19 h 30 à la Maison symphonique de Montréal.

À voir en vidéo