Le gala de la SOCAN dans la caverne circassienne

Au premier gala de la SOCAN depuis la pandémie, dimanche soir, on avait cette drôle d’impression d’être dans un show de télé pas diffusé.
Marie-France Côté La SOCAN Roy-Turner Communications Au premier gala de la SOCAN depuis la pandémie, dimanche soir, on avait cette drôle d’impression d’être dans un show de télé pas diffusé.

Barbada arrive du plafond. On ne manque pas de harnais ni de moyens à la TOHU. Trois écrans géants, télésouffleur de même gigantisme, deux scènes. Il faut voir les consoles, au deuxième : un peu beaucoup la salle de contrôle à Houston pour les capsules spatiales à la dérive. La drag queen, entre deux gags de goût moyennement ragoûtant (exprès, suppose-t-on), a des consignes pour les auteurs-compositeurs et éditeurs de musique : il y a un chronomètre pour les « tirades », ne pas s’éterniser.

Franchement, on ne se croirait pas au gala de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN). Sans doute est-ce l’intention. « Après quatre ans d’absence », souligne d’entrée de jeu le président du conseil d’administration, Marc Ouellette, le retour de cette rare soirée consacrée aux créateurs de chanson n’est pas un petit événement. Il faut que ce soit gros, glamour, comprend-on. Patrick Watson semble complètement perdu dans le trop caverneux espace au moment de recevoir son prix en « musique virale » pour Je te laisserai des mots. Noyé dans l’écho, il semble étrangement loin des tables et de l’action. Sara Dufour, à son tour pour la musique country, est pareillement ébahie (mais rieuse : joyeuse nature que la sienne).

Drôles d’habits

On a cette drôle d’impression d’être dans un show de télé pas diffusé. Hommage à Paul Piché pour son intronisation au Panthéon des auteurs-compositeurs canadiens ? On y va dans le multimédia. Ingrid St-Pierre chante L’escalier de Paul Piché, piano-voix, en direct du fond de la salle. Une troisième scène, tiens. Pierre Kwenders, sur la grande, enchaîne avec Un château de sable : ça tombe dans le vide intersidéral du lieu. Piché lui-même parle de ses chansons, par écrans interposés. Puis Julie Snyder arrive pour rappeler les bons coups du gars : pourquoi elle ? C’était son idole : « Je sais que c’est dur à croire… » Ça jase dans la caverne. Elle admoneste les convives.

Voilà Piché, en personne. Ovationné. Se lever, ça réveille. « Je ne m’attendais pas à tout ça », s’étonne-t-il dans la réverbération ambiante. « Je suis fier de notre industrie, de nous. Je suis fier d’avoir mis mon épaule à cette roue. » Et la roue tourne. Il y a plusieurs nouveaux prix dans la liste déjà longue. Meilleure postsynchronisation en musique ? Eh oui. Univers numérique obligé. Notez que la liste complète des lauréats et des chansons peut être consultée sur le site Web de l’événement.

La proximité sacrifiée

 

Les remises se succèdent rondement, dans un relatif désintérêt. Il manque de toute évidence l’intimité d’avant la pandémie. Ça se passait alors dans une salle de réception d’hôtel, basse de plafond, les auteurs et compositeurs se sentaient entre eux, se voyaient (ici, la noirceur est souvent complète, comme dans un Centre Bell). Les artistes, alors, se jasaient du podium à l’une ou l’autre tablée, et réciproquement : une ambiance bon enfant ou, les libations aidant, se lâchaient des vérités et quelques points sur des i.

Huit « classiques de la SOCAN » se sont ajoutées au canon de la chanson francophone de chez nous : mémorables refrains des Respectables, Corneille, Daniel Boucher, Ariane Moffatt, Jean Leloup, Noir Silence, Cowboys Fringants, Daniel Bélanger. Une dizaine de chansons récentes sont pareillement célébrées, suffisamment jouées par les diffuseurs pour justifier leur pérennité : les succès des interprètes Roxane Bruneau et les 2Frères, notamment. Lumière sur les équipes : c’est la raison d’être de la soirée.

De Plume à Ginette

Soirée qui n’a jamais vraiment pris son envol : la faute incombe à ceux qui ont choisi la TOHU et tant déployé d’effets, alors qu’il aurait suffi de presque rien. Dommage. On aurait vraiment souhaité une meilleure sono pour l’hommage à Plume Latraverse et ses chansons pas ordinaires : ils se sont admirablement défendus en la circonstance, tant Hauterive (le tandem Catherine Durand-Mara Tremblay) que Marie-Pierre Arthur et Martin Deschamps. Qu’en a dit Plume ? « Prix Excellence ? Dans mon cas, pas tellement. Plutôt prix Persévérance… » Et l’escogriffe au grand coeur d’ajouter : « Faites des chansons en français autant que possible : ça nous verbalise et ça nous tient en vie. »

L’hommage à Ginette Reno, l’autre « prix Excellence » de la soirée, aura presque sauvé les meubles. Rien ne résiste à notre Ginette nationale, vous pensez bien. Rien que le montage d’archives faisait son effet. Inès Talbi a su abolir la distance et nous rappeler que Ginette était là, tout près, tout près. Elle lui a parlé en la regardant dans les yeux, sans lire le télésouffleur, et elle a transmis de notre part l’émotion, palpable. Il fallait une Lunou Zucchini et surtout une Marie Denise Pelletier pour oser Je ne suis qu’une chanson. Devant Ginette.

Suivait… soeur Angèle. Allez comprendre. Comme si Ginette n’était pas assez. Sur la scène centrale, quand on l’a appelée, il n’y avait plus assez grand. « Je tremble comme une feuille. J’espère de ne pas mourir et de pouvoir vous en chanter encore une couple de bonnes. »

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