La renaissance de Kirk Hammett, l’as guitariste de Metallica

Le guitariste Kirk Hammett lors d'une prestation du groupe Metallica au Festival d'été de Québec, le 14 juillet 2017
Photo: Francis Vachon archives Le Devoir Le guitariste Kirk Hammett lors d'une prestation du groupe Metallica au Festival d'été de Québec, le 14 juillet 2017

Quarante ans après ses débuts sur disque, Metallica revient le 14 avril avec 72 Seasons, un douzième album studio qui déterre les racines thrash metal de ses origines et tente de repolir le son de l’album « noir » (1991) ayant permis au quartet californien, ainsi qu’au genre heavy metal, d’atteindre des sommets de popularité. Parlons de blues, d’improvisation et de sa nouvelle carrière en solo avec le guitariste Kirk Hammett, qui, en compagnie de ses vieux comparses, reviendra les 11 et 13 août en concert au Stade olympique, presque 31 ans pile après la tristement célèbre émeute.

« Tu sais quoi ? Je n’avais pas vraiment réfléchi à cette question, mais je peux t’assurer que ce sera intéressant de remettre les pieds au Stade », répond le guitariste Kirk Hammett, joint en Californie, où ses collègues et lui répètent en vue du premier concert de la tournée M72, prévu le 27 avril à Amsterdam. « Ce sera surtout intéressant de retourner dans les loges — ce dont je me souviens le mieux encore, c’est d’avoir été emprisonné là-dedans pendant six heures en attendant que ça se calme. »

La tournée conjointe de deux des plus importants groupes rock de l’époque, Metallica et Guns N’ Roses, a pris une tournure violente ce 8 août 1992 ; passée la mi-concert, pendant la ballade Fade to Black (de Ride the Lightning, 1984), les flammes d’une pièce pyrotechnique atteignaient le bras gauche de James Hetfield, mettant fin à la performance. Mais c’est la longue attente avant l’arrivée sur scène de Guns N ’Roses pour un concert interrompu par son chanteur, Axl Rose, qui aura courroucé l’auditoire. Les images de voitures de police renversées, de saccage et d’incendies avaient fait le tour du monde.

Metallica était alors le plus gros phénomène rock au monde, propulsé par le succès populaire et commercial de l’album à la pochette noire, paru l’année précédente et contenant les classiques Enter Sandman, Nothing Else Matters et Sad But True. Depuis, le quartet a souvent eu du mal à reprendre pied en studio, alternant entre l’honorable (ReLoad, 1997) et l’atroce (St. Anger, 2003).

Sans être un classique de la trempe de ses cinq premiers albums, 72 Seasons est loin d’être atroce. Le groupe y survole les époques qui ont défini son mythe, de l’excellente Lux Aeterna, aussi abrasive et vigoureuse que les déflagrations thrash de Kill ’Em All (1983), à la plus fade Sleepwalk My Life Away, pâle copie d’Enter Sandman. Le titre réfère à l’enfance et à l’adolescence, la période qui définit l’adulte que nous deviendrons ; Hetfield y signe des textes aux images simples mais révélatrices de l’introspection qu’il s’est imposée ces dernières et tumultueuses années, comme s’il replongeait dans le passé pour mieux se comprendre.

« Ce nouvel album m’excite parce que, étrangement, on dirait que ce fut le plus facile à faire et que c’est celui que les fans comprendront le mieux, perçoit Hammett. Tu sais, dans le passé, on a lancé quelques albums qui ont été reçus par les fans avec scepticisme. C’est vraiment arrivé, dit-il en rigolant franchement. Cette fois, la réaction est déjà positive, ce qui nous a pris par surprise, on ne s’attendait pas à tant d’enthousiasme. »

Partout sur l’album, le jeu de Hammett est inspiré, la seule constante. Souvent, ses solos sauvent les compositions du naufrage ; ils donnent aux autres une bonne raison d’être jouées devant public. L’homme, c’est patent, semble renaître sur 72 Seasons et, plus que sur les précédents albums, on reconnaît les couleurs du blues dans son jeu, lui fait-on remarquer. « Ouais ! s’emporte le guitariste. Tu sais, lorsque j’ai pris la guitare, adolescent, je m’inspirais beaucoup des grands du blues électrique — Eric Clapton, freaking Robert Johnson, B.B. King, Jeff Beck, Stevie Ray Vaughan, Gary Moore. Cette manière de jouer est profondément ancrée en moi. C’est ainsi que j’ai approché le nouvel album, quelque chose qui s’approche de ce qu’est devenu Angus Young [d’AC/DC], cet idéal du blues rock de la fin des années 1970. Et je n’ai pas vraiment répété en amont : je me pointais en studio et j’improvisais des tas de trucs, pour en conserver le meilleur. »

Justement, à propos d’improvisation, Kirk Hammett déclarait tout récemment au magazine Loudwire être las de jouer le fameux solo de Master of Puppets (de l’album du même nom, 1986). « Bon, laisse-moi nuancer un peu ce qui a été publié : ce n’est pas tant le solo en tant que tel qui m’ennuie, c’est le fait que je ne peux pas improviser pendant ce solo parce que les fans le demandent tel quel. Je joue ce solo depuis tellement d’années que je ne le sens plus comme un solo, tu comprends ? Par exemple, même le solo de Creeping Death », de l’album Ride the Lightning, reconnu comme l’un des plus difficiles et spectaculaires de son répertoire, « fait tellement partie de la chanson que c’est, aujourd’hui, comme si je jouais une partition. Je ne suis pas ennuyé de jouer des solos, seulement de ne pas pouvoir improviser davantage ».

C’est ainsi qu’il s’est fié à son instinct de musicien pour enregistrer les solos de 72 Seasons et qu’il travaille aujourd’hui à ériger son oeuvre solo. Après quatre décennies à canonner les notes au sein de Metallica, Kirk Hammett, l’artificier de la guitare métal, auteur de nombreux riffs classiques et de solos vénérés par la communauté hard rock, a lancé l’an dernier Portals, un premier mini-album personnel fort bien accueilli par les fans.

« Pourquoi j’ai mis si longtemps avant de me lancer en solo ? Parce que j’avais besoin de devenir sobre avant de le faire, tu comprends ? Auparavant, si je n’étais pas ivre, j’allais le devenir ou j’étais dans un lendemain de veille, confie-t-il. Lorsque j’ai cessé de boire, je me suis soudainement retrouvé avec beaucoup de temps libre, que j’ai consacré à la musique. J’ai commencé par écrire deux chansons, puis deux autres pendant la pandémie, et je me disais que c’était trop bête de les faire entendre seulement à mes proches. Alors, je les ai jouées aux gars [de Metallica] et à notre équipe, qui m’ont dit : allez, on sort ça. Je ne m’attendais pas à ça ! » Un album complet est en chantier, promet Hammett.

Mais entretemps, la tournée : deux concerts par escale, deux programmes différents, « et on ne jouera pas toujours les mêmes chansons dans le même ordre à chaque escale », nous informe le guitariste. Puisqu’on soulignera en juillet prochain le 40e anniversaire de la parution de votre premier album, Kill ’Em All — l’album qui a défini le son thrash metal —, songez-vous à le mettre en évidence durant la tournée en interprétant quelques autres de ses titres, en plus des Seek & Destroy et Whiplash que vous n’avez jamais cessé de jouer ? « Merci de me rappeler que c’en sera l’anniversaire, je n’y avais même pas pensé, admet Hammett. Peut-être qu’après notre coup de fil, je pourrais appeler les gars pour leur en parler… »

72 Seasons

72 Seasons, Metallica, Blackened Recordings. L’album paraîtra le 14 avril.

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