Les billets du FEQ s’envolent et les prix explosent sur les sites de revente

La foule lors du concert d’Imagine Dragons au FEQ, en juillet 2019, où le groupe avait seulement eu le temps de jouer deux chansons avant que la pluie, le vent fort et les éclairs ne forcent l’arrêt du spectacle.
Renaud Philippe Archives FEQ La foule lors du concert d’Imagine Dragons au FEQ, en juillet 2019, où le groupe avait seulement eu le temps de jouer deux chansons avant que la pluie, le vent fort et les éclairs ne forcent l’arrêt du spectacle.

Il n’a fallu que deux heures mercredi au Festival d’été de Québec (FEQ) pour écouler tous ses laissez-passer en admission générale pour sa 55e édition, du jamais vu. À peine quelques minutes plus tard, des centaines d’entre eux se trouvaient sur des sites de revente ou sur Marketplace pour le double, voire le triple, du prix initial, suscitant la colère des mélomanes n’ayant pu mettre la main à temps sur le Graal.

« WOW, vous êtes incroyables ! […] c’est un RECORD ! Merci de votre enthousiasme encore cette année ! » s’est réjouie l’équipe du festival sur ses réseaux sociaux mercredi après-midi, sonnée par la rapidité avec laquelle les quelque 125 000 billets se sont envolés.

Au même moment, des commentaires de déception et de colère des mélomanes n’ayant pu obtenir un billet — et voyant les prix de revente exploser — ont commencé à se multiplier sur le Web.

« Tu m’étonnes qu’il n’y avait plus de billets en deux heures, ils sont sur les sites de revente et Marketplace », laisse tomber, agacée, Léa Julien. Elle a bien envisagé de payer quelques dollars de plus pour se procurer un laissez-passer, mais les prix l’ont vite refroidie.

Alors qu’un billet en admission général pour assister aux 11 jours de spectacles coûte normalement 140 $, les billets en revente sur des sites comme Billets.ca ou 514-billets.com en demandent plutôt entre 250 et 400 $. Un détenteur de laissez-passer dans la zone avant-scène Or tente même d’obtenir 699 $ pour le spectacle de Green Day. D’autres en demandent 899 $, dans la même catégorie, pour Foo Fighters ou encore Imagine Dragons.

« C’est hors de question que je débourse autant et que je laisse du monde profiter comme ça du système. On va trouver un plan B pour nos vacances d’été et remettre ça à l’an prochain », indique la jeune femme.

Nos moyens sont limités pour interdire [la revente]. Nos recours face aux revendeurs sont limités.

 

Grand habitué du festival depuis plus de 15 ans, Patrick Bergeron craint aussi de devoir se contenter des spectacles gratuits du FEQ cette année. « J’ai rien compris, lance-t-il. Je me suis connecté en soirée et il n’y avait déjà plus rien, alors que l’an dernier, ça a pris deux semaines avant d’être sold out. »

La revente au prix fort n’est pas le seul problème, souligne-t-il. Il y a aussi ceux qui louent des laissez-passer à la journée pour 40 $ ou 50 $. « La location, c’est pas nouveau, tu fais ça pour les soirs où tu ne comptes pas y aller. Mais là, ils sont beaucoup à avoir mis la main sur un paquet de billets qu’ils mettent en location les 11 jours pour super cher. Ça va être le festival de la revente et de la location cette année ! » déplore-t-il.

« Ça nous fait mal au coeur »

En entrevue avec Le Devoir, la directrice des communications du FEQ, Samantha McKinley, indique que l’équipe du festival déploie un maximum d’efforts pour que les laissez-passer se retrouvent dans les mains des vrais fans de musique. Un système de salle d’attente a été mis en place pour respecter le principe du « premier arrivé, premier servi », une seule transaction est autorisée par carte de crédit, et le nombre de billets achetés par transaction est limité à quatre.

Par ailleurs, l’équipe surveille de près la présence de robots qui voudraient faire des achats massifs. « Cette année, peu de robots se sont prévalus d’achats de billets selon nous […] on sait notamment que la moyenne de billets vendus par transaction a baissé par rapport à l’an passé. »

Bien sûr, elle ne nie pas que la revente existe. « De voir la tarification qui s’emporte en revente, c’est sûr que ça nous fait mal au coeur. On est un OBNL qui travaille hyper fort pour diversifier ses revenus et pouvoir offrir des billets à bas prix. […] Mais nos moyens sont limités pour l’interdire. Nos recours face aux revendeurs sont limités. »

Le FEQ est financé à hauteur de 13 % par la Ville de Québec, le gouvernement du Québec et celui du Canada.

Mme McKinley refuse toutefois de croire que ces revendeurs expliquent à eux seuls le temps record enregistré mercredi pour vendre les quelque 125 000 laissez-passer. « Il y a un réel engouement. On sort de la pandémie, les gens veulent retrouver dans les festivals. On a aussi reçu des commentaires dithyrambiques sur la programmation », souligne-t-elle. La 55e édition du FEQ accueillera en effet de gros noms tels que Foo Fighters, Imagine Dragons, Billy Talent, Lana Del Rey, Weezer, ou encore Green Day.

Problème fréquent

La revente de billets de festival ou de spectacle à des prix exorbitants est un problème « énorme » et de plus en plus fréquent au Québec, selon Eve Paré, directrice générale de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).

Le problème s’était quelque peu résorbé en 2012, avec l’adoption du projet de loi 25 qui permet à l’Office de la protection du consommateur (OPC) d’agir plus rapidement. Selon cette loi, « aucun commerçant ne peut exiger d’un consommateur, pour la vente d’un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé par le producteur du spectacle ».

Or, la plupart des sites de revente se décrivent aujourd’hui comme des intermédiaires entre acheteurs et vendeurs particuliers. Et depuis le retour à la normale dans le milieu culturel, on observe une recrudescence du phénomène de revente de billets de spectacle, selon Mme Paré. « Parfois, il y a des billets pour le double du prix pour un spectacle qui vient d’être lancé et n’est même pas encore complet », raconte-t-elle.

L’ADISQ a d’ailleurs récolté plusieurs plaintes de ses membres dans la dernière année et a confié le tout à l’OPC. « L’enquête est encore en cours, on attend, on a hâte de voir l’issue », précise-t-elle. Contacté par Le Devoir, l’OPC confirme faire « actuellement plusieurs vérifications au sujet de la revente de billets de spectacle », sans donner plus de détails.

« C’est dommage de voir des billets se revendre aussi cher. Avec l’inflation qui touche tout le monde, il est plus important que jamais de payer le juste prix pour nos billets de spectacles », affirme-t-elle.

À voir en vidéo