Sibelius tous azimuts pour l’Orchestre Métropolitain

Publication des Symphonies nos 3 et 4 en disque par Atma ce vendredi, enregistrement de la 5e Symphonie le même soir en concert à la Maison symphonique et annonce d’un concert au Carnegie Hall avec la 2e Symphonie : la musique de Jean Sibelius rythme la vie de l’Orchestre Métropolitain et de Yannick Nézet-Séguin.
Après les Symphonies nos 1, 3 et 4, Yannick Nézet-Séguin et le Métropolitain se mesurent aux deux symphonies les plus populaires du compositeur finlandais. La 5e Symphonie sera enregistrée par Atma lors du concert de vendredi, entre deux représentations de Lohengrin dirigées par le chef québécois au Metropolitan Opera (diffusion en direct dans les cinémas le 18 mars). Le concert à la Maison symphonique propose par ailleurs la Ballade pour orchestre de Samuel Coleridge-Taylor et le 3e Concerto pour piano de Prokofiev avec David Jalbert.
La 2e Symphonie est au programme en mars prochain, notamment lors d’un concert qui ramènera l’Orchestre Métropolitain à New York. Le 6 mars 2024, l’OM succédera sur la scène du Carnegie Hall au Philharmonique de Vienne avec, outre Sibelius, le 2e Concerto de Rachmaninov associé à Tony Siqi Yun et une composition de Cris Derksen, violoncelliste crie et albertaine. Derksen, qui se réfère à la bispiritualité ou « two-spirit », « met au défi un monde où presque tout — personnes, musiques, cultures — est étiqueté et classé dans des catégories simples », comme le dit sa biographie.
Un creux
À l’aube de ces étapes décisives du cycle paraît en CD la réunion des Symphonies nos 3 et 4. Le disque résume parfaitement la problématique générale des cycles des symphonies de Sibelius : leur irrégularité. Il est très rare de voir un chef tout réussir. Dans le cas présent, la 4e Symphonie risque d’être le point faible de l’intégrale de Yannick Nézet-Séguin.
La Troisième, enregistrée en juin 2021, était déjà parue en numérique en octobre 2021. La vision, servie par une prise de son exceptionnelle (la Maison symphonique avec 250 spectateurs en temps de pandémie) rendant justice à la clarté polyphonique soignée par le chef, se distingue par une articulation très nette et très mélancolique du 2e mouvement. Un peu à la manière du chef finlandais Osmo Vänskä et aux antipodes d’autres références comme le cartésien Olli Mustonen. Sibelius lui-même avait défini son Finale comme « la cristallisation du chaos », car le compositeur amène diverses sources à confluer. Il est intéressant d’entendre comment Yannick Nézet-Séguin dessine progressivement l’affirmation de ces thèmes : c’est très réussi.
Il en va tout autrement de la 4e Symphonie. Si l’on excepte les compositions très singulières du Suédois Allan Pettersson (1911-1980), il s’agit, avec la 6e Symphonie de Mahler, de la symphonie la plus noire et pessimiste du répertoire. Parmi les grandes versions, on citera Hans Rosbaud (DG), Herbert Kegel (Berlin) et, plus traditionnellement, Herbert von Karajan (DG, EMI), et près de nous, les deux gravures d’Osmo Vänskä (BIS). Dans tous ces cas, le 3e mouvement est presque intenable de tension émotionnelle. Ici, il passe comme un rendez-vous chez le coiffeur.
Nous avons cherché à comprendre s’il y avait une raison esthétique au fait de désamorcer un peu la pression, mais après plusieurs écoutes et en suivant la partition, il apparaît que c’est vraiment le manque de poids du pupitre de violoncelles et la fadeur de l’ambitus expressif des soufflets dynamiques qui cause le problème. Par rapport au concert, le disque corrige les questions d’intonation, mais pas les problèmes de présence et d’impact. Dans un legs discographique de tout musicien, il y a de moins bons opus. Celui-ci en est un.