Esprit créatif à Montréal/Nouvelles musiques

La 11e édition du festival Montréal/Nouvelles Musiques (MNM), sous l’égide de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), se tiendra du 23 février au 5 mars sur le thème « Musique et spiritualité » et accueillera, en plus de dix-sept concerts, des colloques et conférences avec des artistes d’ici et d’ailleurs.
La nouvelle directrice artistique de la SMCQ, Ana Sokolović, se réjouit d’un retour en salle après l’édition virtuelle de 2021. Elle a même conçu ce MNM 2023 comme un grand brassage de musiques et d’idées.
« J’ai été ravie quand j’ai appris la thématique constituée par Walter Boudreau pour cette édition. La spiritualité est très importante dans notre société. Ce que nous voulons faire lors de ce festival est de nous poser des questions par rapport à cela », nous dit Ana Sokolović.
La programmation a donc été enrichie. « J’ai ressenti le besoin de rajouter un colloque autour de cela. Un colloque d’une journée était certes prévu, mais nous y avons ajouté un autre colloque du 23 au 25 février, deux journées d’étude et une conférence. Je fais cela en collaboration avec ma chaire de recherche en création d’opéra. »
Musique et transcendance
Le public pourra côtoyer « compositeurs, musicologues, mais aussi des chercheurs, philosophes et anthropologues » dissertant sur « les thèmes importants pour notre société en liaison avec la thématique ». « En discutant avec le comité scientifique, nous nous sommes rendu compte que la thématique ne devrait pas être “Musique et spiritualité”, mais “Musique et transcendance à l’air du post-humanisme”. »
Aux yeux d’Ana Sokolović, « le but de la SMCQ est de parler des sujets de notre époque qui ne sont pas détachés de la tradition. Nous sommes la tradition, mais nous continuons, et nous nous posons donc des questions importantes sur cette ère post-humaniste : que se passe-t-il avec l’idéal de l’homme blanc hétérosexuel dépourvu de mutations physiques ? Où en est-on ? D’autres vont pouvoir répondre beaucoup mieux que moi. Moi, je m’intéresse à la chose et je pose des questions. »
La déclinaison musicale de ces préoccupations majeures impliquera, le 23 février, une ouverture par la rencontre de deux traditions avec un orchestre et quatre chanteuses inuites et bretonnes. Les sonorités métissées seront unies dans une création de la compositrice Katia Makdissi-Warren interprétée par l’ensemble Obiora et l’Ensemble de la SMCQ, sous la direction de Cristian Gort.
Les Premières Nations seront également à l’honneur, le 24 février, lors d’un concert à la Maison symphonique : Notinikew d’Andrew Balfour, compositeur d’origine crie, qui met en lumière l’histoire des soldats autochtones combattant pour la liberté en Europe pendant la Première Guerre mondiale, mais privés de leurs droits et libertés à leur retour au pays.
Le but de la SMCQ est de parler des sujets de notre époque qui ne sont pas détachés de la tradition
Parmi les autres points forts, Golgot(h)a de Walter Boudreau sur des poèmes de Raôul Duguay et, le 2 mars, un concert Messiaen conjoint de l’Ensemble de la SMCQ et I Musici avec Louise Bessette sous la direction de Jean-François Rivest. Parmi les artistes invités, l’ensemble français Court-circuit (26 février), l’ensemble milanais mdi (4 mars) et la virtuose de l’accordéon, Snežana Nešić.
Ana Sokolovic a aussi associé la surprenante nouvelle compositrice en résidence de la SMCQ, Eadsé. Même si cette autrice-compositrice-interprète wendate vient de l’univers pop, la directrice artistique lui voit un grand potentiel. « Je l’ai rencontrée lors d’un projet dans le cadre de ma chaire de recherche. Elle a fait des études universitaires à l’Université Laval et à l’UQAM et s’intéresse beaucoup au classique. Je lui enseigne, nous nous rencontrons souvent et parlons de la possibilité de fusionner les connaissances de la musique classique, d’où est issue la musique contemporaine, et la musique autochtones qu’elle connaît et qu’elle porte en héritage. Je me reconnais énormément là-dedans, parce que c’est justement en arrivant au Canada que j’ai commencé à découvrir mes propres racines des Balkans, dont je développe des idiomes dans une facture contemporaine. J’encourage d’ailleurs Eadsé d’utiliser la langue wendate. C’est une langue morte, et je voudrais qu’elle puisse utiliser certains mots, certains textes pour les faire revivre à travers la musique. »