Gustavo Dudamel réveillera-t-il le Philharmonique de New York?

L’Orchestre philharmonique de New York a annoncé mardi en fin d’après-midi la nomination du chef vénézuélien de 42 ans Gustavo Dudamel à compter de 2026 pour une durée de cinq ans. Comment analyser cette nouvelle pas forcément attendue ?
La tectonique des plaques musicales va être passionnante à suivre ces prochains temps. En nommant Gustavo Dudamel, le Philharmonique de New York (NYPO) crée à tout le moins le buzz, dans un narratif aussitôt brandi par le New York Times : va-t-on enfin revivre la période Leonard Bernstein ?
« Lenny » ne fut directeur musical que de 1958 à 1969, mais toute la réputation, le « branding », de l’orchestre se nourrit encore de ce mythe et fantasme. L’orchestre est composé de musiciens de pointe qui ont traversé avec brio une longue série de nominations plus ou moins heureuses — Boulez, Mehta, Masur, Maazel — avant deux bévues, Alan Gilbert (faute de n’avoir pu accrocher Muti) et Jaap van Zweden. Le NYPO recrée donc une association qui annonce que « quelque chose va se passer ».
Mission accomplie
Sur le fond, la surprise n’en est pas une. Le NYPO avait recruté il y a quelques années Deborah Borda, l’administratrice d’orchestre la mieux payée au monde (bien plus d’un million de dollars). Elle venait du Philharmonique de Los Angeles, où elle a façonné le phénomène Dudamel. Le mandat du conseil d’administration à New York était peut-être tout simplement d’amener Dudamel à New York ! La carrière de Borda, septuagénaire désormais sur le départ, est couronnée et elle vient de vendre son plus beau « produit ».
Car Dudamel aura vraiment à prouver à New York qu’il est le phénomène qu’on prétend. Il fut certes la fusée la plus spectaculaire du monde musical dans sa vingtaine, mais son parcours dans la trentaine a été bien moins éblouissant que celui de Yannick Nézet-Séguin ou d’Andris Nelsons : il est resté le « gourou » de Los Angeles, mais en Europe, il n’a jamais été considéré lorsqu’est venu le choix du futur directeur musical du Philharmonique de Berlin, de l’Orchestre de la Radio bavaroise ou du Concertgebouw d’Amsterdam. Il n’a jusqu’ici laissé aucun enregistrement marquant ou mémorable, ce qui, pour une vedette, est chiche. Il a été nommé directeur de l’Opéra de Paris par un directeur qui baignait dans l’univers musical nord-américain. En 2026, Dudamel cumulera les postes à Paris et à New York et abandonnera Los Angeles.
Quels que soient les résultats artistiques qui ne se jaugeront qu’autour de 2030, la nomination réveille une saine concurrence dans le « top-5 » américain que Yannick Nézet-Séguin à Philadelphie, où il a été renouvelé jusqu’en 2030, est en train de dominer largement face à Boston avec Nelsons ; à Cleveland avec Welser-Möst ; à Chicago, encroûté avec Muti ; et au NYPO, plongé dans un no man’s land avec Van Zweden.
C’est aussi très bien pour Montréal, car Rafael Payare, un ami de Dudamel, vient de monter une alliance en Californie avec lui et Esa-Pekka Salonen pour un festival de musique nouvelle. Montréal, avec Payare et Nézet-Séguin, et New York, avec Dudamel et Nézet-Séguin, vont être deux villes passionnantes à comparer.
On en vient évidemment aussi à une tectonique plus profonde, soit l’attribution du poste de Chicago (Manfred Honeck, Christian Thielemann ?) et la succession de Dudamel à Los Angeles. Rafael Payare changera-t-il d’orchestre californien ? Sauf erreur, son contrat avec San Diego s’achève en 2026. Mais la pression sera forte à Los Angeles pour voir une femme accéder au podium.