Soirée royale aux Grammy pour Beyoncé

L’aura de Beyoncé a illuminé toute cette soirée télévisée, même si elle fut exclue du «Big Four», les quatre plus prestigieuses catégories du gala des Grammy.
Emma McIntyre Getty Images via Agence France-Presse L’aura de Beyoncé a illuminé toute cette soirée télévisée, même si elle fut exclue du «Big Four», les quatre plus prestigieuses catégories du gala des Grammy.

Remportant dimanche trois nouveaux gramophones dorés, Beyoncé est devenue l’artiste la plus récompensée en 65 éditions du gala de la Recording Academy, accumulant 32 victoires en carrière. Le gala télévisé des Grammy, durant lequel l’Academy a visiblement cherché à ancrer sa raison d’être à un discours social progressif à coups de gestes chargés de sens, a donné lieu à de spectaculaires performances musicales et, côté récipiendaires, plusieurs surprises – ou déceptions, tout dépend du point de vue.

Originaire de Houston, au Texas, et révélée au sein du trio R&B-pop Destiny’s Child dans les années 1990, Beyoncé Giselle Knowles-Carter, 41 ans, était nommée dans neuf catégories. Queen Bey a récolté les Grammy pour le Meilleur enregistrement dance/électronique pour Break my Soul, Meilleure performance R&B traditionnelle pour Plastic Off the Sofa et, lors du gala télévisé, celui du Meilleur album dance/électronique pour Renaissance, un album en forme d’hommage aux pionniers queers qui ont façonné la scène électronique de danse, de la fin des années 1980 à aujourd’hui.

Le précédent record de Grammy remportés par un artiste était jusqu’alors détenu par le chef d’orchestre hongro-britannique Georg Solti, longtemps lié au Chicago Symphony Orchestra – il en détenait 31, un score que peut raisonnablement viser le chef d’orchestre québécois Yannick Nézet-Séguin qui a remporté lors de cette 65e édition du gala des Grammy ses deuxième et troisième prix en carrière. Gageons que ce ne seront pas ses derniers.

L’aura de Beyoncé a illuminé toute cette soirée télévisée, même si elle fut exclue du « Big Four », les quatre plus prestigieuses catégories, dans trois desquelles la musicienne fut en lice : Enregistrement de l’année (remporté par Lizzo pour la chanson About Damn Time), chanson de l’année (remis, à la surprise générale, à la vétérane Bonnie Raitt pour Just Like That) et Album de l’année, décerné celui-là à Harry Styles, l’autre grande star de la soirée. Le Britannique, qui a offert une fervente interprétation de son succès As it Was, a remporté le Grammy de l’Album de l’année (devant ABBA, Adèle, Kendrick Lamar et, donc, Beyoncé, entre autres) et le Meilleur album pop vocal grâce à Harry’s House.

La première moitié de cette longue soirée (plus de 3 h 30 !) fut la plus spectaculaire, débutant avec une performance de la star urbana Bad Bunny, qui a réarrangé ses succès El Apagon et Después de la Playa avec un orchestre au sein duquel on a cru voir passer le fantôme de Tito Puente : une affaire acoustique, percussive, expurgée des sonorités électroniques du reggaeton, qui a embrasé le public du Crypto.com Arena de Los Angeles avec son ambiance carnavalesque. Le Portoricain a remporté le prix du Meilleur album urbana pour Un verano sin ti, un prix qu’il partagera avec les compositeurs montréalais Demy Clipz qui ont contribué à son succès.

Peu après, c’est la brillante autrice-compositrice-interprète Brandi Carlile, trois nouveaux Grammy en poche, qui a inoculé le gala d’une piqûre de rock en interprétant Broken Horses. La musicienne avait été présentée par son épouse et leurs deux jeunes filles ; plus tard, le Britannique Sam Smith et l’Allemande Kim Petras recevaient le Grammy de la Meilleure performance en duo pour la chanson Unholy, qu’ils ont interprétée lors d’un numéro gauche et clinquant en milieu de soirée. S’accaparant tout le temps d’antenne, Petras s’est dite fière d’être la première musicienne trans à remporter un prix de la Recording Academy.

On entend déjà au loin siffler les sirènes de la police anti-woke, et le sens du discours du nouveau président de la Recording Academy, Harvey Mason Jr., ne les fera certainement pas taire. Après avoir été éclaboussée par un scandale de corruption au sein de son organisation accusée de négliger les artistes des communautés visibles (ce qui a mené à un boycott de la part de stars de la trempe de The Weeknd et Drake), Mason Jr. a professé durant le gala que la musique avait le pouvoir de changer le monde et les politiques qui le mènent.

Ainsi, son Academy s’est affairée à prêcher par l’exemple en créant d’abord le prix Global Impact Award pour l’avancement des artistes noirs, prix baptisé au nom de son premier récipiendaire, Dr. Dre. Jill Biden, épouse du président américain, est ensuite allée décerner le nouveau et symbolique prix de la Meilleure chanson pour le changement social (Best Song for Social Change) à l’Iranien Shervin Hajipour, emprisonné pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux sa chanson Baraye, devenue chant de ralliement des manifestants.

L’Academy a enfin accordé une généreuse vitrine au hip-hop pour marquer son 50e anniversaire de naissance avec un ambitieux (et un brin chambranlant dans ses transitions) numéro réunissant presqu’une trentaine d’artistes, de Run DMC à Lil Baby, en passant par Rakim, Missy Elliott, Method Man, Busta Rhymes, Ice-T, De La Soul, Public Enemy, Salt-N-Peppa et les fondateurs Grandmaster Flash, Melle Mel et Scorpio. Kendrick Lamar est allé sur scène cueillir son Grammy pour l’époustouflant Mr. Morale the Big Steppers, Meilleur album rap, son troisième prix de la journée.

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