«Le tour du bloc»: tout le tour de Michel Rivard

Le voilà donc arrivé à l’étape suivante. Après avoir exploré en profondeur L’origine de mes espèces, son « théâtre musical en solitaire », le très naturellement grégaire Michel Rivard s’entoure comme jamais pour entreprendre Le tour du bloc, célébration de ses 50 ans de scène. Cinquante à onze, douze en l’incluant. Ça commençait à Longueuil le 21 janvier, périple avec onze musiciens et choristes tout le tour du Québec jusqu’à la fin mars, avec rallonge en novembre et jusqu’en février 2024.
Célébration ? Pas son truc, a priori. « Ça semble aller de soi, mais honnêtement, je n’avais pas de plan arrêté, après L’origine de mes espèces. Moi, je suis à l’affût de ce qui va me passionner, je cherche constamment à tomber amoureux des disques et des artistes, tu me connais ! » Vrai. Pas une entrevue où il ne propage la bonne nouvelle d’un album tout neuf à écouter absolument. « Les célébrations, je n’en suis jamais l’instigateur. Que ce soit pour Beau Dommage ou pour l’édition 25 ans de l’album Un trou dans les nuages, je n’y pense pas. Peu ou pas, disons. Évidemment, avec le remixage du premier Beau Dommage sorti l’automne dernier, et les 50 ans de la formation du groupe, je dois bien admettre que ça correspond à mes débuts dans la chanson. On en parlait autour de moi, c’est une évidence. Mais je ne voyais pas une affiche “Mes 50 ans de carrière”, c’est pas mon genre. »
Célébration, mode d’emploi
Que faire ? C’est un cahier des charges, les anniversaires. Il n’y a pas cent façons. Avec invités, sans invités, rétrospective thématique ou butinage ludique dans le pot de miel chansonnier, Centre Bell une couple de soirs ou mille au Gesù, liste A des chansons incontournables non contournées ou spéléologie de la belle rareté dans le catalogue ? « J’ai dit à mon équipe : bon, si je veux vraiment me faire plaisir dans un spectacle, en mettant un peu de sous, c’est pas dans les écrans géants et les effets spéciaux, c’est dans l’humain. C’est me payer la traite au niveau musical : mon Flybin Band, trois choristes, des cuivres, des vents. Et si je conjugue ça avec un répertoire de mes chansons de toutes les époques, des chansons plutôt connues que pas connues qui vont faire sourire le monde, OK, ça me va. »
Pas une queue-leu-leu des grands succès ni une enfilade d’immortelles. Michel Rivard a eu la belle idée : un spectacle en forme de tour du bloc. Connotation montréalaise, voire beaudommagienne sans ambages : un tour du bloc se fait à pied, les mains dans les poches, on regarde les façades. « Si j’étais Richard Séguin, j’aurais appelé ça le tour de la forêt », rigole-t-il au bout du fil. Mais quand on est un « ti-cul Villeray », comme il l’écrit dans Le tour du bloc, seule nouvelle chanson du spectacle, le mystère existe de bas en haut des escaliers : « Tu veux savoir à quoi ça rime / Si chaque maison est une chanson / Y’a des secrets / Dans chaque cuisine / Et des fantômes dans chaque salon. »
Au plus près du groove d’origine. Le grand luxe, pour moi, dans ce spectacle, c’est qu’il n’y a aucun synthé. Pas d’échantillons, rien de préenregistré qu’on intégrerait. Il y a tout un pan de mon répertoire où il y avait pas mal d’électronique. Mais là, on a des vents pour les faire. Être onze sur scène, douze avec moi, c’est ça que ça permet.
Ressemblances, dissemblances. Pareil, pas pareil. « Quand tu fais un tour du bloc à Montréal, tu pognes des maisons qui datent de 1900, d’autres qui ont été remaniées en 1960, y en a qui viennent d’être construites. Montréal est un cauchemar d’urbanisme, mais intéressant dans sa variété. » On sait qu’on est à Montréal, pas seulement à cause du slalom des cônes orange. Il y a une identité. Multiple, avec des constantes. Un peu comme une oeuvre d’artiste, changeante et reconnaissable à la fois, perçue dans la durée. « J’ai pu enlever le mot “anniversaire” tout en gardant le “50”. Avec Le tour du bloc, c’est une promenade à travers 50 ans de chansons. »
Au plus près, au plus beau
Comment il les fait, pour l’occasion ? « Au plus près du groove d’origine. Le grand luxe, pour moi, dans ce spectacle, c’est qu’il n’y a aucun synthé. Pas d’échantillons, rien de préenregistré qu’on intégrerait. Il y a tout un pan de mon répertoire où il y avait pas mal d’électronique. Mais là, on a des vents pour les faire. Être onze sur scène, douze avec moi, c’est ça que ça permet. » De l’ampleur, de la beauté sans donner dans le pompeux. « Avoir trois choristes, c’est un monde de possibilités. À Lana Carbonneau et Audrey-Michèle Simard s’ajoute Renaud Paradis, c’est tellement beau que j’aurais envie de tout réenregistrer avec eux autres. Renaud, en plus, il joue du flugelhorn. Je ne vais pas m’en priver. »
On pense à un James Taylor, au soin qu’il apporte aux harmonies de sa haie de choristes (il en a quatre). « Ça reste un modèle pour moi, viser comme lui ce degré de finesse, mais sans perdre le fun. Lana a une connaissance des harmonies qui est nettement plus grande que la mienne. Les chansons ne changent pas, tout est là, mais ici et là, on essaie de les embellir. Pour être vraiment contents nous-mêmes, et que les gens se sentent choyés. » Pas une grand-messe, mais une certaine élévation. Comme dans la chanson-thème : « Tu pousses ta luck / Tu t’en vas faire le tour du bloc. » Rigueur et joie, alléluia.