«If These Walls Could Sing», une histoire incomplète d’Abbey Road

Pour son premier documentaire en carrière, la photographe et animatrice télé Mary McCartney s’est penchée sur un sujet qu’elle connaît intimement : l’histoire des studios Abbey Road, qui furent pratiquement son jardin d’enfants lorsque ses illustres parents y enregistraient leurs albums. If These Walls Could Sing brosse un portrait sommaire, mais attachant, de ces mythiques studios où sont nés des classiques du rock tels que The Dark Side of the Moon, Odessey and Oracle (The Zombies), Be Here Now (Oasis) et, bien sûr, l’album des Beatles qui porte le nom de la rue où est érigé l’édifice.
On n’y échappe pas, l’histoire de ces studios sera beaucoup racontée à travers les exploits des Beatles, papa Paul et tonton Ringo déballant leurs sacs à anecdotes. On appréciera le récit que font les deux musiciens de l’enregistrement de l’épique A Day In The Life (de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, 1967), l’idée à l’origine de ses opulentes orchestrations (elle serait de Paul), ou encore Ringo avouant que son souvenir favori d’Abbey Road demeure la séance d’enregistrement de la chanson Yer Blues (de « l’album blanc », 1968).
D’autres voix
Mais après moult documentaires sur les Beatles, dont la récente épopée de huit heures réalisée par Peter Jackson (The Beatles: Get Back), on a envie d’entendre chanter ces murs avec un autre timbre, d’entendre une autre version de l’histoire. Mary McCartney y convie donc Elton John, le compositeur de musique à l’image John Williams, Giles Martin (fils du réalisateur George), les frères Gallagher du groupe Oasis — interviewés séparément, comme l’ont été Nick Mason, David Gilmour et Roger Waters, de Pink Floyd —, la chanteuse Celeste ou encore Jimmy Page.
En revanche, la réalisatrice raconte en surface seulement l’histoire des lieux, acquis en 1929 par la compagnie The Gramophone Co. Ltd., ancêtre d’Electric and Musical Industries (EMI). Construite en 1829, la maison de neuf chambres accompagnée d’un vaste jardin a alors été transformée en complexe d’enregistrement audio ; la maison fut convertie en bureaux, et trois studios ont été construits derrière dans le but d’accueillir de grands orchestres, dès 1931.

La réalisatrice accompagne son récit d’images d’archives (autres que celles des Beatles…) bien choisies, comme celles du compositeur et chef d’orchestre Edward Elgar dirigeant le London Symphony Orchestra lors de l’inauguration des installations. Quelques décennies plus tard, ces magnifiques images de la violoncelliste Jacqueline du Pré enregistrant un concerto d’Elgar, sous la direction de son mari, le chef Daniel Barenboim — quelle performance fulgurante de cette interprète, dont la carrière s’est terminée prématurément en raison de la maladie !
Des morceaux manquants
Ainsi, nous aurions aimé un récit plus détaillé de l’histoire d’Abbey Road (autrefois EMI Recording Studios) avant l’avènement des Beatles, de l’excellence de ses équipements et de ses techniciens de son, et de ces problèmes financiers qui, à la fin des années 1970, ont incité la direction à ouvrir davantage les portes aux producteurs de films, à leurs cinéastes et à leurs compositeurs. D’où la pertinence du témoignage de John Williams, qui y a enregistré les musiques de Raiders of the Lost Ark (1981) et Return of the Jedi (1983), entre autres succès au box-office.
Chiche en détails, mais riche en anecdotes, If These Walls Could Sing est un documentaire impressionniste qui nous laisse quand même un peu sur notre faim, comme si l’histoire d’Abbey Road n’avait pas été complètement racontée. On se satisfera alors des chouettes histoires de ses illustres occupants : Elton John, le pianiste accompagnateur qu’on appelait alors Reggie Dwight, racontant ses premières visites ; Jimmy Page faisant le récit de l’épique séance d’enregistrement de la chanson thème de Goldfinger (1964) durant laquelle la chanteuse Shirley Bassey s’est écroulée, épuisée ; Liam Gallagher racontant que le groupe s’est fait expulser du studio pour avoir défoncé les haut-parleurs en écoutant à plein volume Revolver des Beatles…