Noël inspire les musiciens québécois

Noël n’aura jamais autant inspiré l’industrie de la musique au Québec. Snobées il n’y a pas si longtemps, les nouvelles chansons originales se multiplient, réunissant des artistes de tout acabit. Faut-il y voir un pari payant ? Pas toujours, jurent ces amoureux du temps des Fêtes, qui espèrent surtout répandre un peu de magie à leur tour aux côtés des indétrônables All I Want For Christmas Is You et Jingle Bell Rock.
« Je compte bien faire une chanson de Noël par année jusqu’à ma mort. Une fois que tu y goûtes, tu ne peux plus t’en passer », confie, plein d’entrain, Elliot Maginot. L’auteur-compositeur-interprète a lancé sa nouvelle pièce Christmas On My Mind le mois dernier. Si on y retrouve son habituelle signature folk, les petits grelots, les choeurs et les paroles de la chanson ne trompent pas : c’est bien de Noël dont on parle, du père Noël en personne, même.
L’an dernier, c’est la mère Noël qui a eu droit à sa propre mélodie, avec The Ballad of Mrs. Claus. Cette tradition semble en effet s’enraciner chez l’artiste montréalais, qui a créé quatre chansons inspirées du temps des Fêtes en cinq ans.
Tout a pourtant commencé en 2018 par une simple blague, avec le réalisateur de son deuxième album. En plein été, absorbés dans un vortex de vidéos YouTube de chansons de Noël pendant une pause d’enregistrement, les deux hommes ont eu soudainement la même idée : pourquoi ne pas faire une chanson originale de Noël ?
« Chaque fois, il y a ce plaisir de se retrouver en studio annuellement, à une période précise, plutôt que d’attendre l’enregistrement d’un album. Dans ce contexte, il y a moins de pression, plus de fun. Je prends ça au sérieux, mais je me permets de mettre du bacon et de la crème fouettée partout, parce qu’il n’y a aucune mauvaise idée. »
Il se dit fier de pouvoir « être une petite brique sur le mur du Noël culturel québécois », espérant que ses chansons reviennent dans les foyers année après année.
La passion de Noël
Mais pour se laisser aller à écrire sur Noël, ça prend un minimum de passion pour cette fête, croit Elliot Maginot. Il avoue sans honte écouter sans cesse la trame sonore du film Home Alone (Maman, j’ai raté l’avion !) depuis quelques semaines, quand ce n’est pas l’album festif de Dolly Parton ou Frank Sinatra qui égaie son salon aux mille décorations.
« J’adore Noël, mais j’aime encore plus la musique de Noël. Elle évoque des choses plus belles que ce qui va vraiment arriver à Noël. C’est impossible d’égaler la magie qui s’en dégage dans nos événements. C’est comme une promesse inatteignable qui fait beaucoup rêver. Ça m’inspire beaucoup. »
Cette passion pour la musique de Noël, Nicola Ciccone la partage. « Ça peut parfois être de la musique simple, mais ça apporte toujours un réconfort exceptionnel », soutient celui qui vient de sortir un tout premier album dans ce registre musical, L’esprit de Noël, sur lequel alternent les créations originales et les reprises de grands classiques.
« On s’est fait voler deux Noëls à cause de la pandémie, on a plus que jamais cette soif de se retrouver cette année, et, pour moi, la musique de Noël accompagne ces retrouvailles-là. C’était le temps pour moi d’écrire sur Noël », explique-t-il.
L’idée avait déjà commencé à germer dans sa tête il y a quelques années, reconnaît-il. D’abord, il y a eu sa chanson Joyeux Noël, qu’il a lancée sans grandes attentes en 2014 et qui récolte aujourd’hui plus de 500 000 écoutes en ligne. Il y a eu ensuite les reprises de classiques des Fêtes dans ses spectacles prépandémie. « Ça te plonge dans une ambiance tellement différente, chaleureuse, magique, ça t’enveloppe. »
Du renouveau
Il a toutefois voulu prendre son temps pour créer quelques chansons originales et ne pas s’enfermer uniquement dans des reprises de classiques qu’on entend déjà en boucle. « Nos chansons de Noël datent. Il faut renouveler un peu le registre, faire des chansons plus pop, plus modernes », soutient-il.
Maryse Letarte ne peut que renchérir, elle qui a, en quelque sorte, lancé le bal en 2008 avec son album Des pas dans la neige. À cette époque, au Québec, il n’y avait aucune nouvelle chanson de Noël. On était même qualifié de ringard lorsqu’on tentait d’en sortir une.
« Mon distributeur n’a pas voulu écouter mes premières pièces à l’époque. J’ai fait le tour de l’industrie et, chaque fois, les gens levaient les yeux au ciel quand je leur parlais de mon projet, explique Mme Letarte. Ça a été difficile, parce que j’ai mis tout mon coeur à écrire ces chansons, j’ai puisé dans mes souvenirs d’enfance, j’y croyais vraiment. »
Lorsqu’une maison de disques l’a enfin prise sous son aile, elle a dû payer de la publicité de sa poche pour espérer se faire remarquer par les médias. « Un premier journaliste a écouté l’album, l’a aimé, et cela a ensuite eu un effet boule de neige. Cet album, il est aujourd’hui écouté en Allemagne, en Espagne et en Asie. C’est un petit miracle, il a voyagé plus que moi. »
Succès commercial
Au-delà de la passion pour Noël, est-ce que l’attrait commercial pèse dans la balance ? Est-ce que la musique de Noël est garante de succès ?
« Dans mon cas, c’est vraiment un plaisir personnel et partagé avec mon équipe, répond d’emblée Elliot Maginot. Ce n’est pas de la musique sur laquelle tu tournes beaucoup, je ne la joue pas dans mes concerts. Certains ont sûrement fait plus d’argent que moi avec ça. »
De son côté, Nicola Ciccone estime qu’il est trop tôt pour vraiment mesurer les retombées. « En un mois, je trouve ça encourageant : ça marche sur les plateformes, j’ai de bonnes critiques, et les médias en parlent. »
Maryse Letarte ne peut pas, quant à elle, nier le succès de son album de 2008. « C’est sûr que ça a propulsé ma carrière. Mais vu comment ça a été difficile au début, ça a été vraiment inattendu de voir mon album marcher et revenir dans le foyer des gens chaque Noël. C’est une grande fierté », indique-t-elle.
Ce succès vient cependant aujourd’hui avec la crainte de s’être enfermé dans un registre musical. Comme elle sort justement en 2023 un nouvel album qui ne parlera aucunement de Noël, Maryse Letarte s’inquiète de sa réception par le public québécois. « J’ai cette petite appréhension, c’est normal. En même temps, comme artiste, c’est bon d’arriver là où on ne nous attend pas du tout. Je dois trouver une façon d’évoluer. »