Transmission trad à la Veillée de l’Avant-veille

Le groupe Le Vent du Nord au théâtre des Deux Rives à Saint-Jean-sur-Richelieu
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le groupe Le Vent du Nord au théâtre des Deux Rives à Saint-Jean-sur-Richelieu

Après deux éditions pandémiques de veillées virtuelles qui n’usent pas les semelles, Le Vent du Nord et leurs amis nous convient enfin, en chair et en os, à de dansantes retrouvailles : le 30 décembre prochain au MTelus, jusqu’au petit matin, se tiendra la traditionnelle Veillée de l’avant-veille, fête des danses et de musiques de nos racines. « Et on ne boudera pas notre plaisir de fêter à la fois la fin de l’année du 20e anniversaire du Vent du Nord et le 25e anniversaire de la Veillée dans un endroit pouvant accueillir un maximum de danseurs », se réjouit le compositeur et violoniste Olivier Demers.

Tant pis pour les virus, a l’air de lui répondre le confrère Nicolas Boulerice : « À la limite, organisez-vous un set carré à huit personnes et restez ensemble toute la soirée si vous ne voulez pas prendre de risques ! » Les cofondateurs du Vent du Nord voient gros pour cette Veillée, au moins aussi gros que pour celle du vingtième anniversaire, aussi déménagée du Club Soda au Métropolis, comme on l’appelait à l’époque (et qu’on se plaît entre nous encore à l’appeler).

L’organisation de la Veillée, ce n’est pas de tout repos, souffle Nicolas, multi-instrumentiste, chanteur et compositeur. « Un mélange de partie de plaisir et de marathon, illustre-t-il, puisque généralement, ça débute tôt le matin à faire de la promo, en plus de veiller au bon déroulement. On porte plusieurs chapeaux. » Mais il préfère laisser la planification du grand banquet à un ami restaurateur. En effet, chaque année, avant l’ouverture des portes, tout le monde, musiciens invités, techniciens, installe une longue table au parterre et partage un repas, « comme le banquet d’Astérix », dit encore Nicolas. « Y’a ça de beau aussi à la Veillée : plus qu’un événement, c’est pour notre gang un rendez-vous essentiel, une rencontre. Pour nous, juste souper ensemble serait suffisant. »

Veillée à volets, elle débutera avec un spectacle de Dâvi Simard (son plus récent album, Violoneux, a été en nomination pour le Félix de l’Album de l’année — traditionnel en 2021), suivi de celui du Vent du Nord. Biz, Stéphane Archambault et les cuivres du Grüv’n Brass se grefferont aux performances, l’auteur et comédien Simon Boulerice offrira la « bénédiction paternelle », avant que se joignent aux gars les musiciennes de danse Évelyne Gélinas (de Galant, tu perds ton temps), Carmen Guérard (accordéon), Marie-Pierre Lecault, Stéphanie Lépine et Élisabeth Moquin, toutes trois aux violons.

« En plus, la piste de danse sera conséquente, commente Nicolas Boulerice. D’habitude, au Club Soda, tout le monde bien collé, y’a de l’ambiance, mais c’est un peu le chaos pour les danseurs puisqu’il n’y a pas beaucoup de place. Là, au MTelus, on aura l’espace nécessaire. Comme ça, quand on va se mettre à swinguer, il y a moins de risque de se casser un bras ! » C’est Yaëlle Azoulay, la câlleuse de la soirée, qui y trouvera son compte.

Une fonction pédagogique

Présidente de Danse traditionnelle Québec, association travaillant à la défense, à la promotion et au développement de notre art populaire, Yaëlle Azoulay a appris le câll auprès de son mentor, le porteur de tradition Gérard Morin, célèbre câlleur de Mascouche. « Le câll, c’est une super belle manière d’être dans la transmission », résume celle qui a également dansé professionnellement pendant une quinzaine d’années. « Quand on fait du trad, c’est aussi un objectif : perpétuer quelque chose, transmettre. Le câll ne me permet pas seulement de danser, mais aussi d’inviter les gens à faire pareil. C’est un rôle très rythmique et axé sur la musique, un art vocal, mais qui a aussi une fonction pédagogique. »

Surtout dans un contexte comme celui de la Veillée de l’avant-veille, où la majorité des spectateurs ne maîtrisent pas sur le bout de leurs pieds les pas des différentes gigues, reels, cotillons et contredanses peuplant notre répertoire traditionnel, explique Yaëlle Azoulay : « Au Québec, la câlleuse a une fonction importante parce que les danseurs ne connaissent plus aussi bien le répertoire. Ça paraît, dans une Veillée, lorsque le câlleur sait bien mener la soirée tout en étant un bon pédagogue de la danse traditionnelle. »

« Sa fonction principale est d’enseigner les danses dans le cadre de veillées, mais ensuite de faire le pont entre les musiciens et les danseurs », dit la folkloriste, qui a étroitement collaboré avec Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier à la conception de leur magnifique documentaire scénique Pas perdus. Créée le printemps dernier au théâtre d’Aujourd’hui, l’oeuvre coup de coeur qui s’interroge sur notre rapport à nos traditions et réveille notre mémoire collective sera présentée en supplémentaire du 24 février au 2 mars 2023 au théâtre du Nouveau Monde.

On espère simplement que les gens sortent de la Veillée le coeur gros comme ça, et avec l’envie de s’intéresser un peu plus à cette musique-là.

Cependant, « même si vous n’avez jamais dansé, y’a aucun problème », tout le monde sera le bienvenu, insiste Nicolas Boulerice. À preuve, « depuis quelques années, on remarque que de plus en plus de jeunes y participent, des gens qui n’ont pas nécessairement de liens étroits avec les porteuses et porteurs de traditions. Le temps d’une soirée, ils plongent dans la marmite de potion magique, et c’est beau à voir. On saisit très rapidement le plaisir qu’il y a à danser sur cette musique qui nous ressemble et nous rassemble, parce que le fun, c’est aussi d’entrer en contact avec les autres danseurs ».

« On espère simplement que les gens sortent de la Veillée le coeur gros comme ça, et avec l’envie de s’intéresser un peu plus à cette musique-là », conclut Olivier Demers.

La Veillée de l’avant-veille

avec Dâvi Simard, Le Vent du Nord et plusieurs autres. Au MTelus le 30 décembre.

Pas perdus

d’Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier. Au théâtre du Nouveau Monde, dès le 24 février 2023.

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