Doux moments musicaux dans les CHSLD

Valérie Belzile et Vincent Hamel donnent un concert organisé par la Société pour les arts en milieu de santé au CHSLD Grace Dart, à Montréal.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Valérie Belzile et Vincent Hamel donnent un concert organisé par la Société pour les arts en milieu de santé au CHSLD Grace Dart, à Montréal.

Dans la première rangée des spectateurs du concert de flûte, de clavier et de voix donné par Valérie Belzile et Vincent Hamel, au CHSLD Grace Dart, à Montréal, une vieille dame, la plus vieille de tout l’établissement, tape sur la table avec ses mains en souriant, au rythme de la musique.

Nous sommes dans un des concerts offerts ici deux fois par mois par la Société pour les arts en milieu de santé (SAMS). Dans l’assistance, au rez-de-chaussée du centre de soins, la plupart des spectateurs sont arrivés en fauteuil roulant. Perclus, souvent complètement paralysés, le corps tassé dans le fond de leur fauteuil, parfois aphasiques et souffrant de pertes cognitives majeures, ils accueillent la musique avec les forces qu’il leur reste.

Mais ce qu’il leur reste est précieux. À 101 ans, cette anglophone originaire d’Angleterre, qui a suivi ici son mari engagé dans l’armée, ne voit presque plus. « Depuis que je suis aveugle, c’est vraiment difficile », dit-elle. Elle se souvient, pourtant, de ses jeunes années où elle chantait dans le choeur de l’église. « Au début, ils m’avaient placée dans la première rangée, en avant. Mais, après, comme je chantais mal, ils m’ont envoyée en arrière, dit-elle en riant. J’ai commencé en avant et j’ai fini au sous-sol ! »

Dans la dernière rangée, Stephen Brome domine l’assistance avec sa voix de basse, qui accompagne l’interprétation de O Sole Mio !, de Valérie Belzile et Vincent Hamel.

J’adorais danser, dit l’homme en regardant ses jambes emprisonnées dans un fauteuil roulant. Je viens de la Barbade. J’entrais sur le plancher de danse, et je dansais… Je faisais danser les filles… »

L’infirmière-chef m’a dit qu’elle prescrivait moins d’antidouleurs quand il y avait de la musique

 

Lorsqu’il entend la musique, un autre résident, Louis Cornez, pense à sa soeur qui jouait autrefois de la flûte. Bâti comme un colosse, avec une grosse barbe blanche, fort de l’usage de ses jambes, c’est lui qui jouera le père Noël dans les couloirs de l’établissement, au cours des prochains jours.

Pour Valérie Belzile, chacune de ces petites manifestations de l’effet de la musique sur l’auditoire, chaque faible battement des doigts, chaque sourire, chaque chantonnement est une récompense sans prix.

« J’adore ça. Je sens qu’on a un contact vraiment privilégié avec les gens, dit-elle. J’ai l’impression qu’on réussit à communiquer d’une certaine façon, à les faire décrocher de la réalité qui peut être parfois difficile. J’ai l’impression que quand on est ensemble, on partage un moment unique. »

Moins d’antidouleurs

Valérie Belzile fait aussi des prestations dans les unités de soins palliatifs qui accueillent les mourants. « Les soins palliatifs, on est dans une autre énergie complètement. Moi, je vois ça plus comme un réconfort, pour aider à se détendre, à rester calme, côté anxiété et douleur. »

Dans le contexte des soins palliatifs, les apparitions des musiciens sont plus brèves, dit-elle. « Je déambule dans les corridors. Ils entendent la musique lorsque je m’approche de leur chambre, mais pour l’instant, je n’entre pas, sauf sous invitation, à cause de la COVID. »

Dans tous les cas, la musique fait son chemin jusqu’à l’âme, avec des résultats souvent saisissants.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Des résidents du CHSLD Grace Dart écoutent attentivement le concert qui leur est offert.

« À [l’hôpital] Santa Cabrini, aux soins palliatifs, l’infirmière-chef m’a dit qu’elle prescrivait moins d’antidouleurs quand il y avait de la musique », raconte Valérie Belzile.

« La musique, c’est un véhicule pour les mots, aussi, ajoute Vincent Hamel. Il y a des gens qui ont perdu la parole, qui ne savent plus s’exprimer, mais qui vont chanter Gloria sur le rythme, avec les mots, même s’ils sont aphasiques. Même pour eux, il doit y avoir quelque chose, lorsqu’ils entendent la musique, qui fait qu’ils ne se sentent pas tout à fait perdus. »

L’instant présent

C’est entièrement dans l’instant présent que se déroule la rencontre avec la musique. Cet instant où on se met à sourire en entendant La danse à Saint-Dilon ou à pleurer avec l’Ave Maria.

Une fois les instruments tus, c’est une réalité souvent difficile qui attend les pensionnaires des CHSLD. Lorsqu’on lui parle de la fête de Noël, notre centenaire, qui fredonnait il y a quelques minutes, a soudain les larmes aux yeux. « Je serai seule, parce que tous les gens autour de moi sont morts », dit-elle.

« Parfois, les gens ne se souviennent pas de ce qu’ils ont fait une fois retournés dans leur chambre », note Valérie Belzile. « Mais ils savent qu’ils ont passé une bonne journée », ajoute Vincent Hamel.

Pour la seule période des Fêtes, la SAMS organisait cette année 120 concerts auprès des personnes vulnérables.

« Nous sommes principalement présents auprès des personnes aînées en institution, comme les CHSLD, dit Florence Troncy, directrice du développement, des partenariats et de la philanthropie à la SAMS. Nos artistes visitent aussi les hôpitaux, les maisons de soins palliatifs, les centres de femmes en difficulté, les instituts en santé mentale, et autres milieux de soins. »

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