Clemens Schuldt sera le prochain chef de l’OSQ

L’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) annoncera mercredi la nomination de son nouveau directeur musical. Le Devoir a appris que le choix s’est porté sur un Allemand de 40 ans, Clemens Schuldt, jusqu’à récemment chef de l’Orchestre de chambre de Munich. Clemens Schuldt prendra ses fonctions en septembre 2023.
Le choix de Clemens Schuldt fait partie des nominations surprises qu’ont réservées ces dernières années certains orchestres en Amérique du Nord, tels Détroit avec Jader Bignamini ou Toronto avec Gustavo Gimeno.
Ce n’est pourtant pas étonnant en soi, puisque Schuldt avait été annoncé comme faisant partie des quatre « finalistes », aux côtés d’Emilia Hoving, d’Anu Tali et de Jordan de Souza, pour le poste libéré par le départ de Fabien Gabel à l’été 2020.
Clemens Schuldt devient le douzième directeur musical de l’orchestre fondé en 1902. Parmi ses prédécesseurs, on trouve Edwin Bélanger, Wilfrid Pelletier, Pierre Dervaux, Yoav Talmi et Fabien Gabel.
Coup de foudre
Le plus surprenant dans l’annonce, c’est le moment choisi, puisque l’OSQ se trouvait en plein « deuxième tour » de son processus de sélection. Dans ce cadre, Clemens Schuldt devait venir diriger la 8e Symphonie de Dvořák le 18 janvier. C’est désormais en « directeur musical désigné » qu’il se présentera devant l’orchestre.
Directrice générale de l’OSQ, Astrid Chouinard se défend de toute précipitation : « Nous avons constitué un comité de sélection représentatif de toutes les forces vives, établi clairement le profil recherché avec une grille appliquée à chaque candidat et sondé les musiciens. Nous avons évalué une cinquantaine de candidatures potentielles. Entre 15 et 20 chefs sont venus à Québec. Toutes les grilles, toutes les rencontres, tous les commentaires pointaient dans la même direction. Nous sommes allés vers une évidence et avons saisi une occasion. Et pour programmer les saisons prochaines, plus tôt on le sait, mieux ça vaut. »
Diriger 80 musiciens très compétents est une chose très difficile. Il est bien de le voir des deux côtés. En vivant la vie d’un orchestre avec divers chefs, j’ai vu l’influence que peut avoir le chef. Mais au sein de l’orchestre, j’ai aussi pu développer mon propre goût.
Un coup de foudre en février 2022 dans la Symphonie « Linz » de Mozart et Don Juan de Strauss aura donc suffi à sceller le destin musical de l’OSQ pour les quatre prochaines saisons, durée du contrat initial de Schuldt. Un coup de foudre est-il vraiment signifiant ? La question a été posée à la fois à Astrid Chouinard et à l’heureux élu, joint à Londres, où il dirigeait l’Orchestre de la BBC. Pour Astrid Chouinard : « Quand on rencontre un chef deux fois, ce n’est pas énorme non plus. Après le concert, nous avons poursuivi les échanges. Des évidences nous portaient à aller de ce côté-là, et il y avait une volonté commune. » Pour Clemens Schuldt, on peut expliquer qu’un coup de foudre entraîne une nomination « lorsque l’orchestre a déjà vu nombre de candidats, qu’il est bien engagé dans la recherche et qu’il sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas ». « Il a regardé mon profil, ce que je faisais à Munich ; si une confiance s’établit pour le futur, oui, on peut se décider. De mon expérience, on remarque très vite s’il y a alchimie ou non », résume-t-il.
Lent processus
Natif de la ville de Brême, Clemens Schuldt a une formation de violoniste. Il a joué au sein de la Deutsche Kammerphilharmonie (DKP) de sa ville et de l’Orchestre du Gürzenich de Cologne. Il n’a pas participé au légendaire cycle Beethoven de Paavo Järvi et la DKP à Lanaudière. « J’ai joué les Beethoven à Varsovie et les Schumann à Bonn avec Paavo Järvi, en plus de tournées au Japon et au Kazakhstan », nous dit ce « violoniste passionné » qui rêvait de jouer dans un quatuor à cordes.
Schuldt a tiré des leçons de ses années de violoniste. « Le Beethoven de Paavo Järvi a été une révolution au point de vue de l’articulation et de l’énergie, parce que tous avaient participé à élaborer l’interprétation et que le mérite de Paavo Järvi était d’accepter les idées. J’ai appris cela de lui : un grand chef ne doit pas forcément tout décider, il peut être à l’écoute. » Schuldt reconnaît qu’avec un grand orchestre, il faut éviter le chaos. « Chacun ne peut pas se mettre à parler en répétition, mais je dis toujours : “Venez me voir à la pause si quelque chose n’est pas clair ou si vous avez une suggestion.” »
Schuldt suivait des cours de direction lorsqu’il était violoniste à Cologne. « Diriger 80 musiciens très compétents est une chose très difficile. Il est bien de le voir des deux côtés. En vivant la vie d’un orchestre avec divers chefs, j’ai vu l’influence que peut avoir le chef. Mais au sein de l’orchestre, j’ai aussi pu développer mon propre goût. Cela aurait été une folie de dire à 20 ans : “Je veux être chef, là, maintenant.” Je n’avais pas de vision propre et profonde de la musique. J’avais besoin de ma vingtaine pour me développer en tant que musicien. Alors, j’ai voulu apprendre la mécanique de la direction. »
La motivation d’être chef, Clemens Schuldt la trouve dans l’étude des partitions. « Il y a un moment où j’entends des choses et où je me dis : “C’est comme cela que cette symphonie de Mozart ou de Beethoven doit sonner.” » Dans les modèles, Clemens Schuldt cite notamment Carlos Kleiber et les enregistrements Bruckner de Günter Wand, ces derniers pour le « mélange de rationalité et de passion ».
Dans sa programmation, le chef, dont la notoriété se cantonne pour l’heure au Royaume-Uni et à la sphère germanique, a été d’une audace qui dépasse quelque peu la curiosité que l’on attribue au public d’ici. « Il ne sera pas difficile à tempérer, car il est brillant et pragmatique, plein d’idées et intéressé par toutes les facettes de son métier. Nous, à l’interne, nous connaissons bien notre clientèle, donc nous sommes là pour l’accompagner », nous dit Astrid Chouinard. Quant à Clemens Schuldt, son souhait est « d’établir une relation avec le public telle que si nous proposons dans quelques années sous ma direction quelque chose de nouveau ou d’inconnu, le public se dira : “Ça va être passionnant, intéressant à découvrir.” » À ses yeux, « si l’énergie de la conviction émane de la scène, le public va être surpris et convaincu et de moins en moins de gens se demanderont ce que nous allons jouer. Ils viendront au concert et nous feront confiance ».