Un concert comme une revanche pour Yemi Alade

La vedette nigériane Yemi Alade s’est pointée sur la scène du MTelus jeudi soir avec la ferme intention de nous en mettre plein la vue, ce qu’elle a accompli, accompagnée de deux danseuses, deux percussionnistes, deux guitaristes, un claviériste et un choriste, enfilant deux douzaines de chansons en quelque 90 minutes bien tassées. Un concert aux allures de revanche, après le rendez-vous manqué avec ses admirateurs montréalais : « I was supposed to be here this summer ! » (« J’étais censée être là cet été ! ») s’est-elle brièvement plainte durant le premier tiers de son concert, entre deux de ses nombreux, et contagieux, succès.
Rappel des précédents épisodes : Yemi Alade, non seulement l’une des plus importantes stars de la nouvelle scène musicale du Nigeria, mais l’une des plus grandes stars féminines du continent africain, avait été invitée à offrir le concert de clôture de la 36e édition du Festival international Nuits d’Afrique, sur la grande scène extérieure. Coup de théâtre : deux jours avant son concert prévu le 24 juillet dernier, Le Devoir apprenait qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada avait refusé sa demande de visa et celles des membres de son orchestre ; la Zambienne Sampa the Great avait remplacé Alade au pied levé.
La musicienne a ouvert le bal avec un trio de succès fondateurs tirés de ses premiers albums, King of Queens (2015) et Mama Africa (The Diary of and African Woman) (2016), Tangerine, Tumbum et Kissing, avant de faire un saut dans le présent avec My Man (duo avec le singjay jamaïcain Kranium), paru il y a six mois. Durant le premier quart de sa performance, elle a ainsi rappelé ses racines musicales, mêlant soul et R&B aux rythmes afrobeat et high-life, à grand renfort de percussions et de chorégraphies. Aussi bien entourée fût-elle, il n’y en avait que pour Alade, sa présence imposante, sa voix puissante, sa dégaine et son sourire.

Il n’en fallait pas davantage pour que le parterre ondule au moindre signal de la musicienne. L’intro soul de Oh my Gosh (tirée de Woman of Steel, 2019) précédant la cavalcade rythmique, et les fans qui chantent avec elle le refrain, dansant encore sur l’héritage des musiques populaires nigérianes d’il y a 40, 50 ans. Plus que chez ses collègues Burna Boy (qui nous avait épatés à Osheaga l’été dernier) ou Wizkid, Yemi Alade longe la passerelle entre les époques et les styles, butinant du juju à l’afrofunk, s’abreuvant aux musiques afro-américaines, le R&B et le soul particulièrement. Vaste terrain de jeu dans lequel tout le monde s’amuse.
Après quelques mots offerts en français — « Une langue si difficile ! » —, elle passe alors au dancehall, influence majeure sur le courant moderne afrobeat et auquel elle s’intéresse de plus en plus ces derniers temps. Enfilade de vigoureux titres d’influence jamaïcaine : Bumbum (de l’album Black Magic, 2017), puis deux toutes fraîches, Baddie — lancée il y a tout juste deux semaines et mettant la voix grave et percussive de son choriste en valeur —, puis la gigantesque Bubble It (lancée le mois dernier, celle-là), duo avec la nouvelle reine du dancehall jamaïcain Spice. Le segment s’est conclu sur CIA (Criminal in Agbada) et son clin d’oeil à Bob Marley.
En finale, du lourd et du varié, tricotant afrobeat, dancehall et pop ; en finale de Dancina (de son plus récent album, Empress, 2020), une interpolation de Billie Jean de Michael Jackson, suivie par la coulante et torride Beggin’, la toute fraîche Pounds & Dollars parue il y a quelques jours, la chaloupée Na Gode, succès de son deuxième album, puis, bien sûr, son mégasuccès Johnny — qu’elle aura finalement trouvé à la fin du spectacle !
« Lorsque je suis arrivée à Montréal [il y a deux jours], j’étais quand même un peu triste », a raconté Alade sur scène, à la mi-concert. « Je voulais vraiment venir vous voir durant l’été ! Et si on remettait ça l’été prochain ? » On vous confirme que l’invitation a déjà été lancée par l’organisation des Nuits d’Afrique — rendez-vous à l’été 2023, sans faute.