La communauté juive inquiète de la venue du rappeur Corleone à Montréal

Une importance association de la communauté juive s’inquiète de la venue en ville du controversé rappeur français Freeze Corleone, qui montera sur la scène de l’Olympia de Montréal le 4 décembre, malgré le caractère antisémite de plusieurs de ses chansons. « C’est décevant qu’il ait trouvé un endroit pour propager son message de haine après ce qui s’est passé en France. Ça envoie le message que ces propos sont acceptables », s’indigne Eta Yudin, vice-présidente québécoise du Centre consultatif des relations juives et israéliennes.
En France, Freeze Corleone a rapidement été abandonné par le géant Universal Music, peu après la sortie de son premier album, en septembre 2020. La polémique autour des paroles de plusieurs de ses chansons avait alors pris une dimension politique.
Dans celles-ci, Freeze Corleone a l’habitude de s’en prendre à des personnalités juives célèbres et d’encenser des antisémites notoires, comme Hitler, Goebbels ou encore le mollah Omar, l’ancien chef des talibans. « R à F [rien à foutre] de la Shoah », entonne-t-il entre autres dans sa pièce S/O Congo.
Dans la foulée, une enquête a été ouverte pour « provocation à la haine raciale » et « injure à caractère raciste », mais celle-ci n’a pas eu de suite. Pour l’Olympia, en l’absence de condamnation, rien ne justifie l’annulation du concert de Freeze Corleone à Montréal le mois prochain. Les propriétaires de la salle de spectacle, qui sont eux-mêmes de confession juive, s’en remettent à la « liberté d’expression » et rappellent que « le rap est un genre à part entière qui se caractérise par une écriture qui se veut provocatrice et dénonciatrice de fait de société ». Un argument auquel ne se rallie pas le Centre consultatif des relations juives et israéliennes.
« Si on lit les paroles des chansons, on comprend que c’est de la haine, on n’a pas besoin d’une enquête pour ça. […] La haine et la provocation, ce n’est pas la même chose. Fomenter la haine, ce ne sera jamais une activité artistique », tranche Eta Yudin. Cette dernière ne va pas jusqu’à demander toutefois à l’Olympia de revenir sur sa décision et d’annuler le spectacle. Elle appelle cependant le public à la vigilance et espère que le rappeur se gardera de faire toute allusion antisémite sur scène.
Depuis ce printemps, nier ou minimiser l’Holocauste ailleurs que dans une conversation privée est un crime en vertu de la loi canadienne. « S’il tient ce message, il pourrait faire face à la justice », prévient Mme Yudin. Malgré les critiques, l’Olympia a indiqué mercredi que les ventes de billets pour le spectacle du 4 décembre prochain allaient « très bien ». Sur le site du diffuseur, le prix de départ pour l’entrée dépassait même les 75 $.